Ce sont les metteurs en scène et comédiens, Salomé Crickx et Iacopo Bruno, qui accueillent le public en proposant café ou jus d’orange. Les siège sont disposés en U autour du plateau. Le comédien actionne une petite boîte à musique qui joue l’internationale. « Moi je suis communiste et comme les martiens les communistes sont d’une intelligence supérieure. » Il se targue également de pouvoir traverser les murs et de pouvoir dire les mots à l’envers. « Avec des mots à l’envers, on change tout, on fait la révolution. Les mots, tu les retournes, pas le monde, et tu perds espoir. »
Nicola travaille la nuit dans un call center, il répond au téléphone « allo en quoi puis-je vous être utile », pour 85 cents bruts l’appel de deux minutes et quarante secondes. Au-delà, ce n’est pas la peine, puisque les secondes supplémentaires ne sont pas payées. Mais « le besoin d’argent est plus fort que la nausée d’être ici. » Marinella travaille le jour et dort la nuit. Pour elle, le travaille précaire c’est comme une bombe à retardement dans sa poche dont on finit par oublier le tic-tac.Après trois mois, une nouvelle bombe prend la place de l’ancienne et c’est reparti pour trois mois, c’est ce que l’on appelle un contrat avec objectif défini. On dit que la femme peut devenir ce qu’elle veut, « c’est de l’arnaque » soutient Marinella qui voulait devenir pape. Au catéchisme, on lui a dit que ce n’était pas possible faut de ce bout de viande entre les jambes. « Le peuple est un enfant, la révolution plaît au peuple comme une chose belle et impossible. »
Inspiré du roman éponyme d’Ascanio Celestini (déjà auteur notamment de « Discours à la nation » et « Laïka » interprétés par David Murgia) , « Lutte des classes » décrit le quotidien d’employés de call center mais aussi plus généralement une société de plus en plus dominée par l’individualisme où la précarité des travailleurs est devenue monnaie courante. Marque de fabrique de l’auteur italien, le mélange tragique et comique dresse également le portrait d’une Italie marquée par les dérives gouvernementales et une grande désillusion par rapport aux valeurs de la gauche tout en laissant une part à l’imaginaire, comme une lueur d’espoir.
Salomé Crickx et Iacopo Bruno ont eu l’envie d’adapter le roman à la sortie du Conservatoire, moment où ils enfilaient les jobs précaires comme intérimaires. Ils servent ce texte avec énergie et justesse dans une envolée décoiffante, drôle, engagée qui permet encore de rêver que la révolution est possible.
« Lutte des classes » d’après Ascanio Celestini, de et avec Salomé Crickx et Iacopo Bruno jusqu’au 20 octobre au Théâtre des Martyrs à Bruxelles, 02/223 32 08, theatre-martyrs.be.
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