En effet, il y a là un sentiment d’urgence lié à l’opportunité qui nous est offerte d’assister à l’exécution (par le respectacle ensemble Nahandove) de musiques par définition en évolution puisque composées par des artistes qui se cherchent encore. Aussi personne ne peut-il présager de ce qu’il va entendre, premièrement parce qu’il s’agit de créations et deuxièmement parce que les trois compositeurs dont les pièces seront jouées sont en principe inconnus, du moins en dehors des enceintes des conservatoires respectifs ou ils étudient. L’auditeur va véritablement faire connaissance avec des univers qui lui seront absolument inouïs. Bien évidemment, le risque de se retrouver en présence de pièces écrites trop ouvertement à la manière de X ou de Y existe-t-il, cependant si le spectateur accepte de laisser au placard ses connaissances, ses conditionnements et ses références et d’aborder la musique avec des oreilles neuves (autant que faire se peut), quelle excitation alors ! John Cage nous a appris à mesurer chaque son à partir de zéro, comme si, à chaque note tout était à réinventer, cette fois nous allons pouvoir appliquer la recommandation cagienne aux compositions elles-mêmes, ou tout du moins s’y essayer. Ce jour là, au Senghor, nous viendrons le cerveau vierge de tout savoir, nous aurons pour ainsi dire "désappris", d’aucuns prétendront que c’est la mort de l’esprit critique mais c’est probablement la disposition la plus adéquate si l’on veut vraiment être à l’écoute de ce que l’autre a à nous dire. Entreprise fort naïve au demeurant, voire totalement utopique, mais enfin, ce n’est pas une raison pour la balayer du revers de la main.
Ce n’est pas la seule facette du festival qui proposera au spectateur de travailler sur la manière qu’il a d’écouter la musique. En effet à 16 heures des pièces électroacoustiques de Stephan Dunkelman et de Todor Todoroff seront diffusées et spatialisées sur un orchestre de hauts-parleurs disséminés autour du public, invitant celui-ci à adopter une attitude d’écoute qui consiste à écouter le son pour lui-même, comme objet sonore en faisant abstraction de sa provenance réelle ou supposée, et du sens dont il peut être porteur. C’est ce que Pierre Schaeffer, pionnier du genre, appelait l’écoute réduite. Une autre opportunité donc de se défaire de ses habitudes et de laisser sa sensibilité prendre le pas sur sa rationalité.
Il y aura bien d’autres choses encore et non des moindres assurément, nous vous invitons donc à consulter la description de cet événement.
Chronique de Joachim Glaude