"Lettre à une actrice", c’est avant tout la rencontre avec deux personnalités. Celle de Jean-Marie Piemme d’abord, l’auteur, le grand absent par qui tout arrive. Une personnalité qu’on devine, au détour des mots, fine et féroce, amusée et réfléchie, convaincue et émerveillée, et surtout, passionné par cette étrange caste que sont les acteurs.
Celle, ensuite, de Viviane de Muynck, entière et inoubliable, qui a faite sien ce superbe texte. Viviane de Muynck reçoit aux Tanneurs comme dans son salon, avec un généreux sourire, de l’excellente musique et beaucoup de simplicité. Pas de barrière ici, comédienne et public sont sur scène ensemble : "Mon but, dira-t-elle, "est d’établir un lien profond et direct avec le public." La comédienne, bavarde, se raconte un peu, danse longuement sur du free jazz, parle de la beauté et de la dureté de la condition d’acteur, enfin met son public à l’aise avant de s’asseoir, majestueuse, pour vivre avec nous cette lettre.
"Lettre à une actrice", c’est aussi la rencontre entre ces deux personnalités. Comme une femme qui relirait les lettres d’un ancien amant, il y a quelque chose de délicieux à observer cette mise en abyme de l’actrice reprenant au creux de sa voix les mots que l’auteur, homme de surcroît, adresse à une autre qui aurait pu être elle-même... Au fil de cette longue lettre où se mêlent tendresse, ironie et questionnement sincère, l’auteur et l’actrice ne forment plus qu’un et s’interrogent sur le petit monde du théâtre, son rapport à la vérité, à la véracité, sur le jeu, la technique, sur le métier d’acteur enfin, et la place laissée dans tout cela à l’identité et à la sincérité (et pas forcément dans le sens qu’on croit). Après la lecture, la comédienne invite le public à entrer dans la conversation, à poser ses questions, sur le théâtre, sur les acteurs, faisant ainsi naître un beau moment fait de rires et d’échanges.
"Lettre à une actrice", c’est enfin beaucoup d’amour : l’amour de Piemme pour les acteurs, l’amour de Viviane de Muynck pour son métier. Un amour comme on les aime : sincère et généreux, qui rend le propos d’autant plus profond. Un spectacle dont on sort grandi, et un mode d’emploi pour mieux comprendre le fascinant métier de ces drôles d’oiseaux qui évoluent au loin, là-bas, sur scène.
Cindya Izzarelli
[www.capitaleminuscule.com]