Dans "PHARE", une femme est tiraillée entre la nécessité de fuir un mari tyrannique et le désir de continuer à partager la vie d’un homme, qu’elle ne peut s’empêcher d’aimer. Depuis 14 ans, ils vivent dans ce phare, subissant les assauts des vagues imprévisibles, changeantes. Benoît est devenu gardien, en succédant à son père. Elle l’aurait suivi n’importe où. "La mer me l’a rendu fou." Un petit retard suffit à déclencher sa hargne. Rouée de coups, elle se persuade que c’est un "autre" qui la cogne. Quand baignant dans son sang, elle l’entend pianoter toujours la même petite musique, elle imagine son mari enfant. Ses yeux noirs effarés encaissent les coups assénés par son père à sa maman. "Un désastre qui lui rentre dans la peau à tout jamais". Cependant son désir de le consoler est balayé par sa révolte contre son bourreau. Son fils a peur que ses cris le réveillent. Sa fille s’empresse de frotter les traces rougeâtres. Il faut partir, "avant que les vagues ne nous enterrent". Malgré sa douleur et les menaces de "l’autre". Céline Delbecq vit la détresse de cette amoureuse piétinée, avec une intensité poignante. Sa gestuelle et ses changements de ton rendent palpables les contradictions qui la paralysent.
Marchant rageusement sur un tapis roulant, Sébastien Bonnamy incarne un jeune homme qui s’enfonce dans "LA NUIT NOIRE". En espérant que Chiara, son amour, le rattrape. Les commentaires qu’il s’adresse éclairent progressivement son désarroi. Il fêtait ses vingt ans, mais la soirée a mal tourné. A chaque anniversaire, les nuits noires de sa vie ressurgissent. Celles où il aurait voulu "faire bouclier de son petit corps d’enfant", pour protéger sa maman des coups de son père. Lorsqu’à la fête, il a surpris des sourires complices entre Chiara, la douceur de sa vie et ce fils de pute, il a vu rouge. Armé d’un tesson de bouteille, il voulait le défoncer, venger l’enfant impuissant, "être quelqu’un". Comme son père ?... Non ! Le refus de perdre Chiara le libère des fantômes du passé...
La langue percutante et poétique de ces monologues contraste violemment avec les dialogues familiers des "OMBRES". Six instantanés qui nous font assister au dessèchement d’un couple. LUI éprouve un besoin maladif de l’entendre dire : "Je t’aime". Les rendez-vous qu’ELLE est obligée de donner à ses clients les isolent et excitent sa jalousie. Elle a beau dissiper les malentendus, s’excuser, se montrer obéissante, il laisse les soupçons l’envahir. Son aveuglement et sa mauvaise foi le rendent de plus en plus tyrannique. Ivre, il la traite de sale pute et envoie promener le landau. Ce premier bébé qu’elle attend, il en était fier. Ce sera un fils ! Il s’inquiétait, quand elle "faisait sa gueule de l’enfant est mort". Maintenant, il se demande si elle ne ferait pas mieux d’avorter.
Les deux comédiens se complètent efficacement, pour faire sentir que la désagrégation de ce couple est grotesque, choquante et inéluctable. Passant des insinuations aux critiques, puis aux coups de gueule et aux insultes, Sébastien Bonnamy se laisse dominer par la violence. Céline Delbecq s’appuie souvent sur des silences, des mimiques pour traduire la tolérance, la lucidité et le désespoir de son personnage. La mise en scène épurée de Jessica Gazon imprime aux monologues un rythme très soutenu. Illustration intéressante de l’enlisement du couple dans "Les Ombres" : en manipulant des fils, LUI tisse une toile dans laquelle ELLE se débat.
Cette nouvelle création confirme le grand talent de Céline Delbecq.
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