Dans un long périple qui doit les mener de Chicago à la Nouvelle-Orléans, ils s’acharneront à protéger leur amour, unique raison de vivre. Mais cette exclusivité finira par les détruire de façon tragique. Désœuvrement, amour de la liberté et jeux sexuels sont les ressorts de ce road movie théâtral singulier qui joue la carte des sens pour remuer les cœurs.
Musicienne, formée au jeu d’acteur, Séverine Chavrier, réussit une mise en scène où la scénographie et les images filmées renvoient aux paysages tourmentés du roman. Sable, feuilles mortes et vent balaient la scène. Le tumulte intérieur de ces amants aux rôles inversés (Charlotte résolument masculine dans sa façon de mener le couple vers l’absolu alors que Harry, indolent, peine à trouver son identité) se réverbère dans le chaos de matelas, de caisses, de meubles boiteux qui encombrent leurs logis de fortune successifs. L’échafaudage de boîtes de conserve dont ils se nourrissent ne résistera pas plus que leur amour à la tourmente et à la précarité de leur existence.
Palliant la pauvreté des dialogues, l’environnement sonore nous plonge dans le huis clos de ses deux êtres tétanisés. Chuchotements sur l’oreiller, urine frappant la cuvette, fracas d’objets, vent violent accentuent la désolation qui s’installe dans le couple.
Déborah Rouach et Laurent Papot donnent vie à ces amants insatiables, frêles et terribles dans leur nudité physique et psychologique. C’est dans une agitation quasi schizophrénique qu’ils tentent de juguler leur angoisse, s’accouplant d’un matelas à l’autre, sautant sur les ressorts fatigués, courant d’un coin à l’autre entre disputes et serments d’amour.
Peu narratif, le drame se joue dans la traversée et la consomption physique de la passion caricaturant les personnages. Écrit en flash-back avec pour scène de départ l’avortement mortel de Charlotte par Harry, le texte de William Faulkner n’offre pas beaucoup de supports pour une adaptation théâtrale qui a trouvé un souffle propre, visuellement réussie, interprétée avec brio, néanmoins réductrice au niveau de l’étoffe des personnages.
Palmina Di Meo