Les bonnes intentions de Cathy Min Jung
Mise en scène Rosario Marmol Perez - Avec Cathy Min Jung
Ils sont jeunes mariés, agriculteurs et ne peuvent pas avoir d’enfants. Elle est née en Asie, elle a été abandonnée, elle a trois ans et demi. la grande rencontre a lieu, un jour d’été, à l’aéroport de Zaventem. C’est un jour de fête, une nouvelle vie commence, ils veulent être heureux avec elle. Pourtant, à la seconde où leurs regards se croisent les rêves de bonheur s’effondrent. le destin en a décidé autrement, leur histoire sera sombre et douloureuse. Entre elle et eux il n’y a pas d’amour possible. Ces trois êtres abîmés vont se livrer une guerre sans merci où la petite cruauté ordinaire se transformera inexorablement en un combat meurtrier.
20h30 du mardi au samedi
8, 11, 13, 16 euros
Réservation : 02/649.17.27 ou www.poche.be ou reservation@poche.be
Samedi 22 février 2014,
par
Emmanuelle Conte
L’enfer d’une bonne intention
Adopter un enfant est la plus belle chose qu’on puisse lui offrir, un acte d’amour, de bravoure, de générosité, qui en dit long sur ses bonnes intentions. Adopter un enfant, c’est le sortir de la misère... pour parfois lui en faire découvrir une autre. Cathy Min Jung pousse sa propre expérience à son paroxysme et raconte, par le biais de la fiction, l’histoire d’une adoption qui tourne à la tragédie.
Cathy Min Jung signe avec « Les Bonnes Intentions » son premier texte de théâtre. Inspirée de sa propre expérience d’enfant adoptée, elle raconte l’envers du décor, celui dont on ne parle jamais mais qui arrive pourtant parfois.
Cela part toujours d’une bonne intention. Ici, deux jeunes Européens mariés qui désirent accueillir chez eux un enfant abandonné, lui offrir une vie meilleure et tout l’amour qu’ils auraient donné à leur propre progéniture, s’ils avaient pu en avoir. Mais ce parcours se transforme vite en champ de bataille, parce que l’amour ne s’achète pas, et à l’âge de 7 ans, la fillette ressemble plus à une femme de ménage qu’à un môme chéri.
La comédienne emploie un ton calme, enfantin, presque trop doux par rapport à la souffrance qu’elle décrit. Puis, les horreurs se précisent, l’ambiance devient malsaine, la tension palpable. Cathy Min Jung laisse sortir la rage qu’elle semblait avoir enfermé dans une vieille boîte à jouets en bois. De vraies larmes coulent sur son visage, et l’on ne peut qu’applaudir l’intensité et la sincérité de son jeu.
La mise en scène, signée Rosario Marmol Perez, est pertinente : la comédienne va et vient dans un wagon de bois représentant à la fois l’environnement de son enfance et cette boîte dans laquelle sont enfermés ses secrets. Les jeux de lumières donnent une profondeur à l’ambiance déconcertante, et virent au rouge sang lorsque la narratrice commet l’acte fatal.
Par cette pièce, Cathy Min Jung met en lumière les zones d’ombres d’une telle aventure, souvent passée sous silence, et pose les questions taboues. Elle ouvre le débat de l’adoption, du déracinement, de l’abandon, et remet en question le bien-fondé d’une pratique perçue comme un véritable acte de bonté. On en sort bouleversé, décontenancé, et si certaines questions restent sans réponses, on finira par refermer la boîte à souvenirs, pour tenter de ne plus y penser.
Emmanuelle Conte
Vendredi 30 mars 2012,
par
Samuël Bury
Adop-tueuse
C’est étonnant comme on croit toujours que l’adoption en occident, c’est quelque chose de bien, de beau, orné justement de bonnes intentions. L’image des parents adoptifs sauveurs de vies.
Eh bien, il faut croire qu’on se trompe parfois. C’est ce qu’a lourdement relaté Cathy Min Jung dans un seul en scène empreint d’une extrême froideur, tragique et à la fois déterminée.
Elle raconte son histoire vécue dans la ferme des gens qu’elle ne considère que par les mots comme ses parents. Une ferme où les tâches quotidiennes s’amoncèlent comme ses rancœurs. On lui a enlevé son pays, sa vie et on la plonge dans un enfer aux contours apparents de bonne famille.
La comédienne emploie pour son récit un ton léger et doux. Quand se précisent les horreurs récurrentes, la rage sort de sa bouche comme une explosion soudaine. Les larmes ne viennent jamais et à la place, ce sont des lames qui pourraient trancher tout son hostile entourage.
A partir du moment où elle commence à compter les pas qui la séparent d’une table ou encore du frigo (parce selon elle « il vaut mieux compter pour ne pas se souvenir »), le jeu devient mécanique et la tension palpable. Et il ne faudra que peu de temps pour qu’elle passe à l’acte fatal qui rayera de ce monde père, mère et frère.
Un bon choix de scénographie et de décors pour cette pièce intimiste. L’évolution de la comédienne s’y déroule en va-et-vient au travers d’une sorte de cabane en bois symbolisant la ferme de sa jeunesse et sans doute aussi une boîte à secrets qu’on laisse fermée mais qu’on ouvre parfois pour laisser s’échapper les non-dits. On pourrait également se croire en Asie, dans le pays natal de la narratrice, dans une sorte de catharsis inconsciente.
On sort finalement de là avec une boule dans la gorge tant l’expérience (même si elle est fictive) est puissamment partagée et tant elle nous ramène à des sentiments primaires qu’on n’a pas forcément – et heureusement - toujours l’occasion de connaître.
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