En 1895, Emile Verhaeren signait un recueil de poèmes, « Les Villes tentaculaires », dans lequel il y exposait toute l’horreur et la beauté de la ville. Ce regard critique sur l’urbanisme grandissant de l’époque est aujourd’hui transposé de manière originale dans un spectacle contemporain, à la croisée du concert et de la représentation théâtrale.
A l’initiative du projet, Nicolas Mispelaere et son envie de faire connaître à la jeunesse les poèmes de Verhaeren (auteur malheureusement très peu étudié dans les écoles secondaires). Son ambition : montrer l’actualité du propos et la beauté des mots par une mise en scène contemporaine (signée Jean-Michel Van den Eeyden) mêlant différentes formes artistiques.
Sur les planches, quelques formes claires et obscures à la fois, mises en lumière et métamorphosées par du mapping vidéo, un art complexe qui consiste à projeter des animations visuelles en relief sur des structures 3D. Ces images, toujours en accord avec le thème de la ville, font résonner les mots du poète de manière visuelle, comme un envoûtement, une hypnose. Il est difficile de détacher le regard de ces formes qui fondent, brûlent et se reforment, se redressent comme autant de gratte-ciels.
Il est difficile également de se concentrer sur les mots déclamés par un Nicolas Mispelaere habité par son texte. Épatant, émouvant parfois, s’abandonnant corps et âme à des mots forts de sens et de sentiments, Mispelaere ne parvient pas toujours à emmener le public avec lui. La poésie demande souvent quelques efforts de concentration à celui qui l’écoute, pour en comprendre toutes les subtilités et en apprécier d’autant plus la beauté. Et bien que l’initiative soit originale et enrichissante, le mélange de tous ces arts est parfois brouillon.
Le son n’est qu’une distraction de plus : la musique électronique rencontre la douceur d’un quatuor à cordes. Le mélange est brillant, subtil, intéressant mais également suffoquant, étrange et parfois même assourdissant, au détriment de ces mots criés avec force par Mispelaere, que le public peine pourtant à entendre.
L’ensemble n’est pas mauvais, loin de là. L’initiative est appréciable, et fera même certainement mouche auprès des amateurs du genre. Le spectacle, joué à l’Ancre jusqu’au 5 février, affiche d’ailleurs complet. Il y sera reprogrammé en juin. En attendant, le festival KICKS ! continue jusqu’au mois de mars, et le public pourra sans doute trouver son bonheur parmi les nombreuses activités proposées à Charleroi, telles des tentacules prenant possession de la ville.