Tout est sombre, du début à la fin, au propre comme au figuré. Les costumes sont sombres, le décor est sombre, la lumière faible. À l’image du drame. En arrière-fond, un ciel immense et menaçant évolue, métaphore de l’horrible réalité qui nous est dévoilée petit à petit. Au milieu de cet espace oppressant, cinq acteurs livrent une très belle prestation : le ton est juste, la diction claire et le rythme soutenu. Mention spéciale à Idwig Stéphane qui incarne un pasteur très crédible, tant par sa gestuelle que par ses mimiques (souvent comiques, même si on n’a pas le cœur à rire...), et à John Dobrynine en Engstrand aussi paumé que cynique, d’un réalisme impressionnant.
Elvire Brison nous propose un Ibsen intemporel, en évitant l’écueil de l’actualisation aussi bien que celui de l’ancrage dans le contexte de l’époque. Un excellent choix pour un auteur qui a acquis un statut quasi mythique. L’atmosphère ainsi créée transporte le public au cœur de la tragédie. La catastrophe finale -l’incendie de l’orphelinat puis la mort du fils de la maison, Osvald- ne fait que matérialiser (réaliser au sens premier) la vraie catastrophe : celle qui a eu lieu bien avant le lever du rideau et que le texte révèle au compte-gouttes. Le dénouement est “annoncé” -ironie tragique- par une parodie de la scène primitive de l’adultère, rejouée à leur insu par Osvald et Régine, qui commettent par la même occasion un inceste, toujours à leur insu. L’incendie semble alors doté d’une vertu purificatrice. Le décor de fond s’embrase, jusqu’à devenir orange flash, et la silhouette de Madame Alving s’en détache telle une ombre chinoise. Une très belle image, qui donne une étrange résonance à la parole (presque biblique) : “Tout est consumé”. Autre grand moment visuel : à la toute fin, le visage d’Itsik Elbaz (Osvald) s’illumine et irradie sur la salle... Enfin, un peu de couleur, de clarté, une petite lueur d’espoir ? ... Non, car c’est la couleur de la mort, c’est l’illumination d’un visage étouffant qui supplie en vain qu’on lui procure “du soleil, du soleil, du soleil”. Mais rien de tel à l’horizon... Aucune issue aux maux dont sont accablés les personnages. Rien qu’une spirale infernale et infinie. Les Revenants laisseront peu de spectateurs indifférents.
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