Dès son entrée en scène, le personnage qu’il incarne intrigue par son accoutrement. La tête engoncée dans un bonnet d’aviateur, il porte un peignoir vert sur une courte robe rouge, qui dévoile généreusement ses jambes poilues. Cet adjudant en retraite ne peut pas se payer les services d’une gouvernante. Pourtant madame Werner prétend tenir ce rôle. En réponse à sa petite annonce ! Celle-ci est imaginaire, mais après tout... L’intrusion de cette femme, rapidement envahissante, sera suivie de bien d’autres faits troublants. Ainsi le vieux militaire dansera le tango avec une femme fraîchement poignardée et devra accepter que Fernand lui serve de chauffeur, alors qu’il n’a pas d’auto.
Grâce à quelques accessoires ingénieux, des soutiens sonores efficaces, un ton légèrement pontifiant, une gestuelle minutieuse et des enchaînements originaux, Yann Mercanton rend son spectacle très fluide. Escamotant les coupures entre les textes, il nous fait glisser, en douceur, dans un monde surréaliste et nous pousse à nous interroger sur cet antihéros insolite.
Les pieds prisonniers de pantoufles siamoises, il souffre d’enfermement. Pour apaiser sa solitude, il rêve d’un animal de compagnie ou squatte astucieusement un lit d’hôpital. Mais il révèle aussi des travers plus contestables. Continuera-t-il à fréquenter le café du Centre, maintenant qu’il sait que Biberon, son patron, est homosexuel ? Grisé par "la force de l’ordre", il prend un malin plaisir à provoquer la panique des automobilistes. Un peu de piment dans son existence étriquée ! Par le biais de ce vieil enfant, tour à tour poltron, espiègle, fabulateur, Claude Bourgeyx invite le spectateur à se regarder dans la glace et à exploiter ses multiples personnalités. Avec un humour qui grince, comme la vie.