Deux moutons, un blanc et un noir, décident de quitter leur troupeau pour partir à la découverte de ces êtres qui les fascinent : les humains. Ces deux ruminants rêvent de côtoyer l’homme, cet animal si « complexe », c’est-à-dire « intelligent, pervers, érotique, manipulateur, inventif, cruel, spirituel, libéré sexuellement et perpétuellement angoissé par la conscience de sa mort prochaine ». Comme ils le disent si bien.
Et nos deux « moutonnes », Corinne et Corinne, de perdre leur innocence débonnaire à cause de cette passion pour l’humanité. Le mouton noir (Elena Perez) devient cynique et cérébral, son comparse blanc (Lise Wittamer) enthousiaste mais nymphomane.
L’histoire absurde de ces deux animaux trop curieux donne lieu à une réflexion sur la condition de l’homme, la sauvagerie, le sexe et la vulgarité. Les deux personnages doivent constamment se remettre en question. Bien qu’ils ne deviendront jamais réellement humains, leur quête les transformera profondément.
S’il est exposé, le propos est malheureusement noyé sous un déluge de blagues et de pitreries en tout genre. On rit beaucoup, quelques répliques sont de véritables perles, mais cela dessert les moments plus introspectifs où l’émotion se déploie. Du coup, on se retrouve parfois dubitatif face à ce mélange détonnant de passages loufoques et dramatiques. L’avantage, c’est que le spectacle est tellement imprévisible qu’on se demande constamment ce que les deux actrices vont bien pouvoir inventer, au point que l’on reste scotché jusqu’au bout.
Malgré cela, on appréciera franchement l’originalité de la mise en scène. Mises en valeur par une configuration spécifique du foyer, les deux actrices épatent, jouent juste devant notre nez et n’hésitent pas à apostropher leur public ou à s’asseoir parmi les spectateurs. Cette proximité rend l’expérience encore plus prenante et permet aux actrices d’imposer plus facilement leur univers déjanté. Le plateau est juste à nos pieds, rempli d’objets incongrus et de matériaux qu’utilisent les personnages pour mettre le bordel sur scène.
Impossible de rester de marbre devant ces deux moutons barjots. On prend un malin plaisir à les voir déchirés entre leur nature animale et humaine. L’on adore quand ils salissent le plateau ou se foutent de notre tête. Vous ne vous endormirez pas en comptant ces moutons-là.
Thomas Dechamps
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