Les Invisibles
Prix de la critique 2013 : Meilleures comédiennes et nominé comme meilleure mise en scène
Les Invisibles ont été créés en 2012 au Théâtre Océan Nord, à l’occasion de son trentième anniversaire. Tout démarre de la proposition des deux comédiennes, Catherine Mestoussis et Magalie Pinglaut, qui demandent à Isabelle Pousseur de les mettre en scène. Le travail passe par des étapes variées, les questions s’affinent : le corps, sa fatigue son vieillissement, le rythme qui lui est imposé. Des textes explorés, l’étau se resserre autour du livre de Florence Aubenas, Le Quai de Ouisterham, terrible récit de son travail sous couverture dans le milieu peu connu des intérimaires du nettoyage, dans une France régionale du petit matin. De cette enquête journalistique racontant le parcours chaotique des demandeurs d’emploi et l’enfer des professions précaires, Isabelle Pousseur tire des éléments qui lui permettent de construire un "road movie" où le voyage, l’aventure, les paysages forment un contrepoint à une misère sociale qui n’en apparaît que plus terrible. Les deux comédiennes partent en quête de territoires inconnus qu’ils soient géographiques ou sociaux. Elles nous font vivre l’attente des agences pour l’emploi, l’absurdité des formations aux métiers de la propreté, le travail usant dans les sociétés de nettoyage qui vendent des heures et épuisent leurs corps à la tâche, mais où se rencontre, dans le brouillard du petit matin, une ronde de personnages attachants. L’équipée, parfois joyeuse, parfois angoissée, nous entraîne souvent aux portes de l’enfer…
Restent l’amitié, l’humour et la colère bien sûr. Loin du roman, ce spectacle fait la part belle aux corps en marche, offerts au spectateur dans toute la longueur d’un dispositif scénique étiré qui crée la proximité nécessaire pour les comprendre, eux et leurs folles chorégraphies. Les Invisibles furent un succès public, si bien que l’on doit envisager une nouvelle série de représentations. Nous y sommes.
Avec Catherine Mestoussis, Magali Pinglaut et la participation de Guillmette Laurent et Isabelle Pousseur Mise en scène Isabelle Pousseur Assistée de Guillemette Laurent Scénographie et images Michel Boermans Lumière Nicolas Sanchez Costumes Odile Dubucq Direction technique Christine Grégoire Régie Aurore Bolssens Régie plateau Ledicia Garcia Assistanat lumière, images Amélie Géhin Mouvements Filipa Cardoso
Une production du Théâtre Océan Nord, avec l’aide de la Fédération Wallonie Bruxelles, Service du Théâtre.
Représentations à 20h30, sauf mercredi à 19h30. Mardi 24/02 : représentation à 13h30 et 20h30. Relâche dimanche et lundi.
Tarif plein : 10 euros Tarif réduit (chômeur, sénior, étudiants) : 7,5 Tarif hyper réduit (groupes scolaires, associatifs) : 5 euros Participation à Article 27 et Arscène 50.
Réservation : 02/2167555 - info@oceannord.org
Samedi 29 septembre 2012,
par
Catherine Sokolowski
« I will survive »
A partir du récit de Florence Aubenas « Le quai de Ouistreham », Isabelle Pousseur, sollicitée par Catherine Mestoussis et Magali Pinglaut, a mis en scène « Les invisibles », un spectacle sensible, physique et percutant. Le public se retrouve parfois témoin, parfois acteur de cette course au CDI, de cet hommage aux humbles, à ces femmes de ménage engagées à des salaires scandaleusement bas par des entreprises de nettoyage peu scrupuleuses. Du théâtre militant porté par deux actrices éblouissantes et très motivées.
Journaliste, Florence Aubenas (brièvement interprétée par Isabelle Pousseur) s’est glissée dans la peau d’une demandeuse d’emploi d’une quarantaine d’années, titulaire du bac mais sans expérience professionnelle. Elle évoque un long périple de travail précaire qui commence par une formation. Compétences requises ? Vitesse. Savoir lire. Savoir écrire. Respecter les consignes. En quelques heures de stage, les femmes de ménage deviennent opérationnelles. Elles sont prêtes à nettoyer une vitre sur deux pour gagner du temps, à « faire les sanis » au pas de course, à nettoyer les ferries de Ouistreham malgré leur réputation et même prêtes à devenir invisibles.
Sur le plan scénique, beaucoup de place réservée au spectacle, comme un signe de respect pour ce qui s’y passe. Une dynamique spatiale intense accompagnée d’amples mouvements de rideaux de fils. Une mise en scène qui met en évidence les déplacements et l’aspect physique intensif du travail presté.
Au niveau du contenu, les thèmes évoqués foisonnent. De manière générale, le parcours parsemé de rencontres, et, plus spécifiquement, l’usure physique, les salaires dérisoires, les normes quantitatives irréalistes, les horaires incompatibles avec une vie de famille ou l’obligation de flexibilité.
Enfin, sur le plan émotionnel, ces femmes sont très touchantes : « submergées par la crasse et le désespoir », elles s’éclatent dans les vestiaires en chantant « I will survive » façon Gloria Gaynor ou « Je veux de l’amour, de la joie, de la bonne humeur, ce n’est pas votre argent qui fera mon bonheur » en se prenant pour Zaz. Les voici devenues un peu plus visibles grâce à ce magnifique travail collectif empreint d’humanité (avec aussi la participation de Guillemette Laurent), petit bijou de théâtre quasi documentaire subtilement agrémenté de quelques touches d’humour. A ne pas manquer !
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