Armande tente de dégoûter sa soeur Henriette du mariage. Qu’elle épouse plutôt la philosophie ! Elle échappera à l’esclavage de l’homme et à la tyrannie des sens. Pour Henriette, un mari, des enfants, c’est le bonheur. En apprenant que l’heureux élu est Clitandre, Armande cache mal son dépit. Henriette ne peut pas se marier avec ce jeune homme, qui lui a fait la cour pendant deux ans. Celui-ci la détrompe. Lassé par un amour désespérément platonique, il est bien décidé à demander la main d’Henriette, prête à l’aimer corps et âme. Reste à convaincre les parents. Ou plutôt la mère, Philaminte, qui gère la maison avec une autorité redoutable. Bien qu’il déteste les femmes qui étalent leur savoir, Clitandre s’efforcera de l’amadouer.
Eprise de "hautes sciences" et de "beau langage", Philaminte se montre intolérante. Le moindre archaïsme la fait tiquer et elle oblige Chrysale, son mari, à chasser la servante Martine, pour "avoir insulté son oreille", par l’impropriété d’un mot condamné par Vaugelas. Avec son aînée Armande et sa belle-soeur Bélise, elle forme une petite académie qui se pâme, en décortiquant le sonnet distillé par Trissotin. Des commentaires creux stimulés par cet arbitre des élégances. Sensible à ses flatteries, Philaminte se laisse piéger par son orgueil. Mais, en justifiant les aspirations intellectuelles des femmes et leur désir d’émancipation, elle se montre lucide et pertinente. Digne fille d’une mère réputée "savante", Armande sacrifie la nature sur l’autel de la culture. Cependant, pour tenter de récupérer Clitandre, elle se dit prête à consentir à un amour charnel. Nourrie de sciences et d’illusions, Bélise s’invente des prétendants. Quand Clitandre lui parle de son mariage avec Henriette, la vieille fille s’imagine qu’il emploie un détour précieux, pour lui avouer son amour. Une obsession ridicule et touchante.
Chrysale est un brave homme, ravi de voir s’embrasser les amoureux. Mais c’est un poltron, incapable de s’opposer seul aux décisions de sa femme. Il a besoin du soutien de son frère Ariste ou de Martine, pour oser combattre son despotisme. Une fois cependant, il se lâche, regrettant amèrement les prétentions intellectuelles des femmes, qui les empêchent de bien tenir leur ménage. Un réquisitoire passéiste et machiste, bien loin de la modération de l’honnête homme. Porte-parole de Molière, Clitandre prône la recherche d’un équilibre entre idéal et réalité. Il condamne les gens bardés de certitudes. C’est parce qu’elles ne doutent pas de leur sens critique et de leurs connaissances que les femmes savantes sont subjuguées par un sonnet. Trissotin, un plagiaire, cupide, sans talent et sans envergure, peut profiter de leur extase.
La pièce démarre lentement. Mais dès la première intervention de Bélise, amoureuse lunaire et désarmante, elle prend son envol, faisant alterner discussions serrées et scènes cocasses. Soutenus par une mise en scène lumineuse, les interprètes sont excellents. Le jeu nuancé de certains comédiens révèle la complexité de leur personnage. On savoure la langue de Molière et on s’amuse à revoir l’image symbolique de Chrysale tétanisé, face à une porte qui s’ouvre sur le vide. Frédéric Dussenne termine chacune des deux parties par une chanson tendre. Les combats d’idées cèdent la parole au coeur.
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