LES ENFANTS
Théâtre de Poche, du 17 septembre au 10 octobre 2019
20h30
Hazel et son mari Robin, ingénieurs à la retraite, vivent dans un cottage isolé sur la côte. Non loin de la centrale nucléaire sinistrée, où ils ont travaillé. Électricité rationnée, contrôle de la radioactivité par compteur Geiger, frugalité des repas, ils se sont habitués à ces conditions de vie pénibles. L’irruption de Rose, une ancienne collègue, surprend Hazel. Trente-huit ans qu’elles ne se sont plus revues ! En buvant un verre d’eau (de bouteille !), elles évoquent le tsunami et s’interrogent mutuellement, sur leur vie durant cette longue parenthèse. Conversation affable mais freinée par une certaine gêne. Revenant de sa ferme, Robin réchauffe l’ambiance. Il est tout heureux de ramener le tricycle d’un de ses fils. C’est un vieil enfant qui adore l’humour noir.
C’est aussi un amant qui retrouve sa maîtresse. Hazel se raidit en sentant l’attrait exercé par Rose sur son mari . Taraudée par les soupçons, elle se montrera sèche puis agressive à l’égard de cette rivale. Pourtant, même si Robin ne la laisse pas indifférente, Rose n’est pas venue réchauffer un amour de jeunesse. Célibataire, sans enfant, elle a mené une existence très libre. Atteinte d’un cancer, elle s’est battue pour survivre. Elle aime la vie, mais la catastrophe l’a fait mûrir. Elle ne supporte pas que de jeunes ingénieurs sacrifient leur santé, dans les décombres de la centrale maudite. Elle et ses collègues ont participé à sa construction. Ils en sont responsables. Aussi elle les incite à venir remplacer les jeunes. Etre vieux n’est pas une excuse pour se retirer du monde.
Stupéfaits par la proposition de Rose, Hazel et Robin se rebiffent. Réaction justifiée par des raisons de vivre différentes. Robin soutient le moral de son épouse, en lui cachant la situation lamentable de la ferme. Sous une bonne humeur de façade, il masque son mal-être. On le sent perturbé par le comportement de sa fille aînée. Ricanant devant les restrictions, il cherche du réconfort dans le vin et s’amuse à narguer la mort. Hazel, au contraire, est une femme énergique et déterminée. L’apathie de ses parents l’a révoltée : " Une fois à la retraite, mes parents se sont posés dans leurs fauteuils et ne s’en sont plus jamais relevés. Ils buvaient deux bouteilles de vin par soir et regardaient la télé, dès onze heures du matin." Pour elle, chaque chapitre de l’existence est passionnant. A sa retraite, elle a cultivé un potager écologique, pratiqué le yoga et est est devenue une mamie aimante, mais qui se fait respecter. A soixante-sept ans, elle veut encore mordre dans la vie.
Tilly, le metteur en scène, a demandé à ses acteurs de jouer entre eux, en protégeant leur intimité. Ignorer le public, pour se rapprocher de la vie. De ce fait la première scène, truffée d’excuses, de silences et de non-dits, paraît poussive. Dès le retour de Robin, la pièce devient beaucoup plus nerveuse. Trio de comédiens très complémentaires. Marie-Paule Kumps ( Rose), François Sikivie (Robin) et Jo Deseure (Hazel) maîtrisent subtilement la complexité de leur personnage. "Les Enfants" n’est pas une pièce militante, dénonçant les dangers du nucléaire. Avec un humour efficace, qui allège les affrontements, Lucy Kirkwood nous offre une source de réflexions sur la vieillesse, notre respect de l’environnement, nos priorités, notre altruisme. Acceptons-nous, comme Rose, "qu’on ne peut pas avoir tout ce qu’on veut, juste parce qu’on le veut ?"
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