C’est que les comédiens du groupe Toc commencent d’abord par se livrer à un travail qui dépasse celui du jeu. A cinq sur le plateau, ils portent le texte tout en prenant en charge l’ensemble des dimensions scéniques qui l’encadrent : décor, lumière et musique. Le flirt avec la notion de « performance » est évident : tous doivent exécuter leur lot de tâches techniques tout en assumant un partage effrenné du texte et en restant disponible à son interprétation. Pragmatique et incarné. Rythmé, chronométré et épuisant. Les 55 minutes orchestrées par la metteur en scène Mélanie Zucconi et qui condensent les 24h de la vie de Tina Pools ne sont certainement pas du temps volé !
Le texte, lui aussi, surprend, puisqu’il découd le fil rouge que l’on peut attendre d’une construction dramatique classique. Elaboré à partir d’une succession de motifs récurrents qui balisent la course au bonheur de Tina, il revêt des allures déjantées mais n’en demeure pas moins concret et compréhensible. Le partage des voix, le travail corporel, le recours réfléchi aux masques, aux images et aux accessoires soutiennent la thématique et à la rendent lisible. Et qui dit
« questionnant » ne dit pas forcément « prétentieusement obscur » : si le spectacle n’est pas donné d’avance, si le but est bel et bien de semer le trouble et de maintenir en toile de fond une certaine forme de perplexité, il ne s’agit en aucun cas de perdre le spectateur ou de le laisser en plan.
Le nom que le collectif s’est choisi, du coup, s’éclaire : il apparait à la fois comme la métaphore et le leitmotiv de ses conceptions théâtrales. Le trouble obsessionnel compulsif se donne à voir dans sa répétition autant qu’il échappe dans sa signification, il saute aux yeux comme symptôme mais se dérobe à la possibilité d’une explication clinique imposée « de l’extérieur ». Difficile, dès lors, de raconter l’histoire de Tina qui, pourtant, grâce à ce subtil équilibre entre « donné » et « caché », s’offre à nous dans toute l’immédiateté et dans toute l’intimité de sa représentation. Ce qui demeure certain, c’est que Marie Henry – et, à sa suite, l’équipe artistique - est capable de transcender les stéréotypes dont elle se sert comme tremplin pour relater cette quête périlleuse.
La jeunesse du groupe Toc, fondé en 2003, s’assortit inévitablement de quelques imperfections. Outre les accrochages habituels des premières, la fin du spectacle, par son mouvement chaotique trop appuyé, se perd dans l’angoisse même qu’elle cherche à susciter. Les prestations physiques des comédiens, quant à elles, impressionnent par leur endurance mais n’échappent pas à une certaine lourdeur. Les corps auraient gagnés à être plus aériens ; heureusement, le spectacle est loin d’en être plombé pour autant !
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