Fidèle ami des grandes causes humaines, Thierry Debroux a fait de ce court récit souvent abordé dans le secondaire par la lecture en anglais simplifié, une splendide amplification poétique où pointe sans cesse une joyeuse ironie. On peut presque parler d’une – comédie musicale – qui a mis la salle entière debout, dès la première. Celle-ci applaudissait avec frénésie une troupe d’acteurs éblouis, rappelés dix fois, une troupe chargée d’anima, et que l’on aurait bien cru voir sortir tout droit de l’Opéra de quat’sous ! Coaching vocal : Daphné D’HEUR.
L’équipe est irrésistiblement entraînante et sûrement inoubliable : autour de Guy PION, il y a Gauthier JANSEN, Béatrix FERAUGE, Claude SEMAL, Nicolas OSSOWSKI, Fabian FINKELS, Anthony MOLINA-DIAZ, Sacha FRITSCHKÉ, Julie DIEU, Pénélope GUIMAS, Jeanne DELSARTE. Avec sur les planches, des enfants, lumière de l’avenir. En alternance : Léon DECKERS ou Ethan VERHEYDEN ; Maxime CLAEYS, Andrei COSTA ou Jérémy MEKKAOUI ; Laura AVARELLO, Ava DEBROUX ou Lucie MERTENS ; Laetitia JOUS, Clara PEETERS ou Babette VERBEEK. Un défilé de bonne humeur et d’espoir, une tornade de talents créatifs, cadeaux de la maison, le théâtre Royal du Parc !
C’est donc l’histoire d’un rebirth sous la neige. « Le Noël de Monsieur Scrooge » met en scène le processus de transformation d’un cœur abominablement sec et coriace, indifférent à autrui, passionné d’argent, en une âme généreuse et enfin repentante et heureuse qui renoue avec la vie. Le pardon, dit-on dans les chaumières, est la clé du bonheur d’ici-bas ...et de l’au-delà, pour ceux que cela intéresse ! Il suffit peut-être, comme le dit la chanson de la finale, … d’écouter le vent ! « The answer is in the wind… » Un certain vent dont on ne sait ni d’où il vient ni où il va… ! Le mendiant du début - un craquant personnage vautré au début du spectacle dans le fauteuil de l’écrivain - invite les cœurs à se lâcher et garantit que « les contes de fée sont faits pour apprendre que l’on peut vaincre les monstres ! » C’est un jeune Garou, au charme éblouissant qui chante à la lune : Fabian FINKELS.
Dans ce conte de Noël, le ciel est toujours présent : le décor est sous coupole céleste. La ligne du ciel évoque St Paul’s Cathedral ou Big Ben, les infâmes cheminées crachant fumée de charbon quand la misère réussit à se chauffer ! Tombe la neige, même s’il y a du smog, façon purée de pois. Mais la déco de la fête tant attendue est là. Les bougies brillent aux fenêtres des maisons bourgeoises et des antiques magasins « so British » : TAILOR, FURNITURE, BAKERY, CANDLES… Hélas, le terrible temple du négoce de l’argent, la $CROOGE COMPANY, à droite du plateau, rassemble tout ce qu’il y a de plus Anti-Christmas Spirit. Vous connaissez sûrement des adeptes ! Le maître des lieux c’est l’Avare, Richard III, Méphisto, and last but not least : Scrooge. Car le comédien génial qui est derrière ce sinistre personnage hautement toxique, c’est le très estimé Guy PION, toujours aussi magnétique dans ses maléfices. Par dérision, son nom est prononcé "Scroutch" par les esprits farceurs (Claude SEMAL).
Time is money ! Mais voilà le temps aboli… En attendant que ce soit l’argent ? On peut toujours rêver ! Quoi qu’il en soit, la mise en scène est fort habile. Sous forme de doubles des différents âges du triste sire, elle ravit par sa fraîcheur et sa subtilité. Cadeau de l’inventivité fantastique et rythmée de Patrice MINCKE. Le temps est aboli… Magie théâtrale ou nuit magique ? L’an 2017 vient jusqu’à narguer un Scrooge totalement abasourdi ! Ou bien est-ce nous-mêmes, que Dickens vient narguer ? Magie du texte !
Mise en scène illustrative. Des gosses misérables battent le pavé. L’époque est douloureuse, le pain est rare, la maladie fait des ravages. Les cimetières regorgent de mort prématurées. Mais le décor n’en reste pas là ! Le savoir-faire légendaire de Ronald BEURMS une fois de plus fait voyager le spectateur de la cave au grenier, dans les airs et par-dessus les toits. …Dans les cœurs aussi , du plus noir : celui bouclé entre les murs de ses coffres-forts (Guy PION) …au plus tendre : celui d’une étoile entre deux tresses blondes (Ava DEBROUX, 7 ans). Dès sept ans le désespoir peur résonner dans les consciences !
La scénographie acrobatique trace les contours de l’histoire faite d’une série d’apparitions d’esprits chargés de remettre le Drôle dans le droit chemin. Suspense garanti, on croit qu’à chaque étape qu’il a enfin compris… Eh non, c’est raté ! Quelle patience il a, cet « esprit de Noël » qui a tout d’un « Père Noël » (Claude SEMAL) y compris les rennes, …particuliers, il faut en convenir, mais très convaincants !
A grands renforts de chansons de gueux, de fables et fantasmes, l’action progresse et réchauffe les cœurs. Qui oserait grincer à la fin du spectacle, le sourire pincé et le verre à la main « Oui... ! C’est …gentil ! » ? Non ! C’est tout simplement merveilleux, tant l’énergie des créateurs est présente, touchante, palpitante même, tant l’humanité se découvre avec audace, sans craindre les esprits blasés qui n’auront de toutes façons rien compris. Chapeau ! Et puis il y a tous ceux et celles qui, comme Scrooge, auront secoué leur manteau d’indifférence, balancé leurs aprioris dévastateurs, quitté l’ivoire de leur confort et rejoint le cœur ré-enchanté , la liesse du renouveau d’humanité et son formidable potentiel. Voilà un anniversaire que le monde se doit de fêter, au risque de mourir …à minuit sonnant ! Mieux vaut naître non ?
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