Vendredi 11 septembre 2020, par Didier Béclard

Le Public revient au théâtre

Soutenu par ses spectateurs, le Théâtre Le Public entame cette semaine une saison aménagée à maintes reprises au gré de l’évolution de la crise du coronavirus. En dépit d’un programme (un peu) réduit, le théâtre affiche une certaine confiance mais déplore l’absence de plan de relance qui permettrait de voir l’avenir plus sereinement.

Patricia Ide et Michel Kacenelenbogen, les co-directeurs et fondateurs du Théâtre Le Public, ne cachent pas un certain soulagement et une certaine joie : « le théâtre ouvre demain ».

A partir de ce mercredi 9 septembre, « Les émotifs anonymes » lancent en effet une saison qui a dû faire l’objet de nombreux aménagements au gré de l’évolution de la crise de la Covid. Sur les 21 spectacles prévus initialement, 16 figurent toujours au calendrier (voir liste en bas de page) tandis que 5 ont été reportés aux saisons suivantes.

Il y a une dizaine de jours, le bourgmestre de Saint-Josse a accordé une dérogation permettant au théâtre d’augmenter le nombre de spectateurs jusqu’à 70% de la jauge (la capacité des salles) moyennant le respect de certaines règles. Et le théâtre ne mégote pas sur les précautions prises pour respecter ces règles mais aussi, et surtout, pour garantir la sécurité des spectateurs et des membres du personnel. Les différentes salles - équipées d’un système d’aération (extraction et pulsion) - disposent ainsi d’une entrée spécifique, les spectacles commencent à des heures différentes, le nombre de spectateurs est limité (120 places en Salle des Voûtes / 200 places en Grande Salle), avec un siège vide entre chaque bulle de spectateurs.

Les réservations sont obligatoires et payables à l’avance. Les spectateurs sont priés d’imprimer eux-mêmes leurs tickets ou d’utiliser la version mobile. La navette entre le parking et le théâtre est supprimée tout comme les possibilités de restauration (jusqu’au 20 septembre) tandis que le bar est assuré avec un service à table. Les consignes communes à tous les lieux publics (masque, distanciation sociale et mise à disposition de gel hydroalcoolique) sont évidemment d’application.

Le public a déjà répondu présent puisque le nombre de spectateurs est plus élevé aujourd’hui que l’an passé à la même date. Et Michel Kacenelenbogen de souligner le paradoxe : « si les jauges ne s’ouvrent pas, nous sommes complets. Nous ne pouvons pas, pour l’instant, asseoir tous nos spectateurs. » Mais le succès n’est pas réparti de la même manière sur tous les spectacles. Ainsi, il reste de la place pour « Les émotifs anonymes » alors qu’il y a 600 spectateurs en trop pour le spectacle de Virginie Hocq qui début le 20 septembre. Finalement « ce théâtre porte bien son nom après 25 ans », sourit le directeur.

Patricia Ide tient à mettre en lumière la perte psychologique que cette situation représente pour les comédiens dont certains n’ont que cette activité pour vivre. Ce sont, à chaque fois, les artistes qui raquent en cas de difficultés. « Les dépenses artistiques sont devenues une variable d’ajustement dans beaucoup de théâtres », regrette-t-elle. Et cela a un coût psychologique qui use et génère un manque de confiance chez les artistes.

Pour Michel Kacenelenbogen, on peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. Pouvoir remplir une jauge à 70% c’est mieux que 25% comme c’était le cas au début du déconfinement. Sauf que l’équilibre économique du Public est basé sur un remplissage à 85% de la jauge et les 15% manquant représentent un manque à gagner de près de 200.000 euros. Si l’on ajoute des aides non reçues et une aide qui couvre à seulement 57% les pertes du Tax Shelter (dispositif fiscal qui encourage les entreprises à soutenir les arts de la scène), il manque 400.000 euros pour la saison qui s’ouvre.

Cette perte s’ajoutant à celle de l’année passée. Michel Kacenelenbogen qui a rédigé son 26e business plan depuis le 13 mars dernier, déplore le fait que « il n’y a aucune raison artistique de supprimer tel ou tel spectacle seulement une raison économique ». Quatorze personnes u seize ont dû être licenciées dans le volet horeca du théâtre tandis que la mise en chômage provisoire pour un cinquième temps de l’équipe encadrante et la réduction du budget communication ont permis de réduire la perte de moitié.

Constatant l’absence actuelle de tout plan de relance du secteur, le directeur espère que les pouvoirs publics se rendent compte de la réalité que représente le Public dans le secteur (15% de l’emploi artistique à Bruxelles et 33% des recettes de billetterie, insiste-t-il). Pour lui, la création d’un fond de garantie pour faire face à de telles situations ne représenterait pas des sommes astronomiques mais permettrait de maintenir un emploi artistique et technique de qualité.

Les recettes propres du Public (billetterie, tournées, horeca) représentent 60% de ses revenus contre 14% en moyenne dans le secteur. « On a toujours plus soutenu ceux ceux qui font moins de recettes », critique Michel Kacenelenbogen qui revendique pour son lieu le plus grand nombre de créations d’auteurs issus de la Communauté française. Il constate qu’avec la crise sanitaire, les théâtres qui font le plus de spectateurs sont les plus pénalisés alors « la qualité d’un spectacle n’est pas définie par la quantité de spectateurs, ni dans un sens ni dans l’autre ».

Didier Béclard

Théâtre Le Public à Bruxelles, 0800/944 44, theatrelepublic.be.
La saison 2020-2021 :
« Les émotifs anonymes » du 9/09 au 31/10
« Virginie Hocq ou presque » du 20/09 au 30/09
« Intra Muros » du 5/10 au 14/11
« Rumeur » du 12/11 au 31/12
« Visites à Mister Green » du 13/11 au 31/12
« Arlequin, valet de deux maîtres » du 25/11 au 23/01
« Les Beaux » du 7/01 au 13/02
« La plus précieuse des marchandises » du 11/01 au 20/02
« Love letters » du 04/02 au 13/03
« Pour en finir avec la question juive » du 17/02 au 27/02
« Mon ange » du 10/03 au 24/04
« La vie comme elle vient » du 11/03 au 17/04
« Les faux british » du 30/03 au 1/05
« Clair de femme » du 29/04 au 26/06
« Le bon docteur Gasparri » du 13/05 au 26/06
« Bella figura » du 14/05 au 26/06
Report aux saisons suivantes
« Au pays des kangourous »
« Le belvédère »
« Smith & Wesson »
« Les naufragés »
« Le Dieu du Carnage »