Sur la scène, six box attachés comme les boîtes de départ des courses hippiques. Chaque locataire vient prendre possession du sien, en boycottant le premier, sale et puant. C’est le lot réservé à la fille "qui passe à côté de tout". S’appuyant sur un comique avant tout visuel, de courtes séquences montrent la difficulté de dépasser le cloisonnement, de nouer un dialogue et de respecter chaque individu. On balaie devant sa porte, la poussière qu’on refile au voisin. Chercher son courrier, aménager son "chez soi", faire ses courses pourraient susciter des échanges. Pas question ! On préfère sa tour d’ivoire. Un égocentrisme battu en brèche par le gag d’une cascade de télescopages ou un vacarme absurde : l’utilisatrice d’une perceuse provoque des protestations tellement véhémentes qu’elle prie gentiment ses voisins de faire... un peu moins de bruit.
Cherchant la paix dans le yoga, une locataire se montre très distante. Inutile de l’aider à ranger ses réserves de coca. Pourtant, elle accepte de se rapprocher d’une fille mal dans sa peau. Mais ses conseils sont dérisoires. Et la déprimée appellera encore au secours. Cependant, des signes d’ouverture justifient l’optimisme des auteurs. Reliant les six appartements, un ricochet de sons traverse les cloisons pour entraîner les résidents dans un concert improvisé. Entre voisines, on s’offre fleur et carte postale. Et l’on se fait la courte échelle pour voler au secours d’une locataire en danger.
Décor parlant, musique allègre et gestuelle dynamique rendent l’entrée en matière séduisante. En voyant ces adeptes du cocooning décorer leur nid douillet, on s’attend à observer des relations sociales orageuses, qui révèleront leur personnalité. Intuition confirmée par les confidences d’une fille naïve et singulière. La vie ne l’a pas gâtée, mais elle l’embrasse avec le sourire. Malheureusement, c’est le seul personnage qui nous touche par sa sensibilité. Les cinq autres sont des pions qui illustrent des comportements. L’une est craintive, toujours sur ses gardes et sécurise sa porte par une chaîne. Une autre, passionnée de photo, rêve d’une idylle avec son voisin. Ces locataires anonymes, sans passé ni avenir, entretiennent des relations superficielles. Le spectateur les observe, avec l’impression souvent d’assister à des exercices d’art dramatique.
Gangrenée par un individualisme exacerbé, notre société cherche à retisser des rapports humains, par les réseaux sociaux. Hélas, ces traits d’union galvaudent souvent l’amitié et arment délateurs et harceleurs. On comprend que le collectif "Hold Up" ait voulu, par ce "Paradoxe du tas", "proposer des pistes pour faire de la "foule" un vecteur positif de cohésion sociale". Mais le manque de consistance des personnages, la maigreur des dialogues et l’absence de progression dramatique déforcent ce spectacle, qui reste inabouti.
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