Dernière création du Magic Land Théâtre, le "Bal des Momies" fais suite à "Pas d’hortensia pour Miss Grolich" jouée l’an dernier environ à la même période. Une suite, oui, mais fort heureusement, tout à fait indépendante du premier épisode. On y retrouve évidemment Sherlock, toujours interprété par Philippe Drecq, le Docteur Watson, cette fois-ci joué par Barnabé De Keyser, et l’inspecteur Callaghan de Scotland Yard, tenu par Thomas Linckx. Mais on y découvre surtout de nouveaux personnages forts : Stefania Greco joue une Charlotte Kipling pleine de caractère à la recherche de son père, Sophie D’Hondt incarne Solange, une femme pleine de secrets à la recherche d’un partenaire, Muriel Bersy fait une Madame Callaghan qui oscille entre l’apoplexie et la crise d’angoisse, et Xa’ fait un égyptologue tyrolien des plus délirants.
Finalement, le seul véritable lien avec le premier opus des aventures "magiclandesques" de Sherlock Holmes réside dans le drame de Watson, qui est évoqué par une courte narration : forcé de se travestir pour les besoins de l’enquête de "Miss Grolich", le pauvre en reste traumatisé et prend ses distances avec Holmes qu’il tient pour responsable. Mais le destin semble en avoir décidé autrement et les pousse dans les bras l’un de l’autre avec une nouvelle enquête. Des retrouvailles qui donnent lieu à une fabuleuse scène de confession et de réconciliation, jouant sur la douceur de l’intimité et la gravité de l’émotion. De quoi découvrir, pour les habitués de ce théâtre, une facette plus émouvante de la compagnie, une belle surprise qui met tout le reste du comique bien en relief.
Dans l’ensemble, la dramaturgie est néanmoins très dense. Trois intrigues fortes s’entremêlent : d’abord Holmes-Watson qui se rabibochent, puis les disparitions du père Kipling et de Callaghan, et cette fameuse légende de la Momie Bleue. Beaucoup d’histoires pour deux heures de spectacles, sur lesquelles viennent se greffer tous les ingrédients du Magic : gags, contrepèteries, quiprocquos, courses-poursuites amoureuses, chansons populaires, ... si cela freine l’exploitation de certaines intrigues - comme le jeu d’agent double de Solange, piste attractive laissée sans suite - cela donne rapidement de trouver un rythme déjanté qui accroche le public.
Pour terminer, tout ceci prend place dans une scénographie très complète, qui mobilise efficacement un grand nombre de paramètre de l’espace au service d’un seul projet : immerger le spectateur dans la représentation. Comme toujours, l’architecture du bâtiment (espace-protocole) est exploitée dès la file d’attente pour plonger le spectateur dans l’ambiance. Ensuite, l’espace-physique de la représentation contribue lui aussi à cette immersion par une double scène : une première avec trois portes représente tous les couloirs des cabines, tous les salons du bateau, tandis qu’une seconde, un peu plus chargée, est utilisée pour des espaces plus extérieurs. Sur celle-ci, des caisses et un sarcophage servent de trappe pour les disparitions. Cette double scène crée un mouvement qui brouille la distinction entre la place de la représentation et la place du public (espace liminaire).
Un dispositif complet, donc, qui crée les tensions nécessaires à l’action en jouant sur le côté figuratif du décor (espace-paysage), les conditions matérielles qu’il impose au jeu (espace-dramatique) et la technique d’utilisation des artifices du théâtre (espace-instrument). Ainsi, chacun des éléments donnés à voir par la scénographie contribuent à estomper la distinction salle-scène et tendent vers une complicité de jeu avec le spectateur.
1 Message