Oui, les comédiens rivalisent d’excellence dans les changements de rôles qu’ils incarnent dans la personnalité, l’allure, la langue, l’accent, jusqu’au bout du costume. Oui, la scénographie est tellement kitch que l’on sourit du contraste entre un théâtre belge qui cherche toujours l’avant-garde et un vieux motel de Las Vegas au réalisme décapent. Oui, les échanges entre les 25 personnages sont aussi intenses que les destins qui se croisent sont vils. Oui, les personnages sont psychologiquement fouillés, en même temps que réels archétypes de comédie humaine, et oui, enfin, l’auteur représente bien ce qu’il voit comme un péché capital moderne : la stupidité - si universelle qu’entre l’origine de l’auteur et la volonté de tourner en dérision la culture télé américaine, on s’y retrouve.
Mais ensuite ? Ces ingrédients magiques sont-ils absolument suffisants pour garder le public en haleine avec des bouts de vie insignifiants exposés dans des discussions autour du vide abyssal de leurs préoccupations ? Cherche-t-on à atteindre les nerfs d’un public trop éduqué en le confrontant, dans un temps théâtral infini, à la stupidité humaine, comme si la côtoyer chaque jour ne nous permettait pas de la regarder en face pendant trois heures ? Que ressort-il de cette expérience de survie en milieu hostile, si ce n’est la salutation de la prouesse de jeu et de fluidité dans la mise en scène, car au final, à l’inverse de leur création bouleversante de beauté « Quarante-et-un », on attend la suite.