Mardi 20 mai 2008, par Jean Campion

La vie à belles dents

En 2004, "Molly à vélo" avait révélé la capacité de Geneviève Damas à faire vivre des personnages hauts en couleurs, dans un récit mené tambour battant. C’est avec la même énergie débordante qu’elle nous entraîne dans les nouvelles aventures de Molly Savard. Cependant on aurait aimé que ce sacré bout de femme pugnace et généreux affronte une société moins idéalisée. On peut positiver sans tomber dans la candeur.

Pour fêter sa deuxième place aux Championnats du monde cyclistes en Californie, Molly s’est offert quelques jours de vacances à New-York. Au beau milieu de ce séjour idyllique, le ciel lui tombe sur la tête. Par téléphone, son entraîneur lui apprend que "contrôlée positive", elle écope de six mois de suspension et est, bien sûr, exclue de l’équipe, dont elle était capitaine. Au grand dam de Pierrot, son amoureux, elle ne se révolte pas contre cette injustice et rentre à Saint-Péravy-la-Colombe. L’atmosphère familiale est très pesante. Déshonorés par leur fille dopée, ses parents vivent un deuxième drame : leur fils Richard a fait un enfant à ..."cette Yasmine". Au nom de leur patriotisme (le papa a fait la guerre d’Algérie !) et de leur catholicisme, ils ont décidé d’ignorer ce petit-fils indésirable. Après une courte dépression, Molly se ressaisit, cherche du boulot et se fait embaucher comme demoiselle de compagnie de la comtesse Chavernay-Montbrisseau.

Leur première rencontre frise la catastrophe. Normal. Tout les oppose : l’âge, le vécu, l’arbre généalogique, le milieu social, le langage...Mais ces différences n’empêcheront pas la comtesse d’apprécier l’authenticité de la jeune fille. Elle continuera à l’appeler Marie-Odile, mais s’intéressera à ses amies, à sa famille et l’aidera astucieusement à redorer son blason sportif. Le rapprochement entre ces deux femmes, qui privilégient la noblese du coeur, est évoqué avec beaucoup de délicatesse.

En luttant vigoureusement contre une rivale surnommée La Teigne et en refusant les magouilles de son entraîneur, Molly montre qu’elle sait se faire respecter. Malheureusement, elle ne doit pas souvent faire appel à ses qualités de battante, car les "méchants" basculent trop facilement du côté du bien. Un peu comme dans "Joséphine ange gardien". Il suffit que monsieur Péteaux repère le médicament qui a provoqué l’erreur judiciaire, pour que la championne puisse laver son honneur. Fana du Général, le père de Molly ne peut résister à la diplomatie de son fils, l’amiral De gaulle. Et renonçant à ses préjugés racistes, il accueille le petit Rachid-Charles.

Mais Geneviève Damas revit ces anedotes, parfois trop simples, avec tellement de conviction et de virtuosité qu’on se laisse emporter dans son monde. Un monde peuplé de personnages savoureux, qu’elle croque efficacement, grâce à la netteté des gestes et à la maîtrise des voix. Elle passe en souplesse des mines offusquées de la mère aux discours cassants du père, de la complicité de la comtesse à la hargne de La Teigne. Son aisance lui permet d’imprimer au spectacle un rythme très soutenu, qu’elle ralentit , à des moments opportuns, pour laisser remonter des bulles d’émotion. On sent que Pietro Pizzuti l’a dirigée avec précision. Dommage qu’elle n’ait pas mieux choisi ses accessoires. Mais peu importe ! "Molly au château" confirme que Geneviéve Damas est une comédienne rayonnante, sincère, qui nous transmet sa joie de vivre.