La vénus à la fourrure
Le metteur en scène Thomas Novachek termine bredouille, et désespéré, sa journée d’auditions pour la Vénus. Quand survient Vanda dans l’embrasure d’une porte : « Toc, toc, j’arrive trop tard ? ». Elle est délurée, vulgaire, écervelée. Elle se présente : « Je suis la Vénus »... Qui est cette cinglée qui prétend être la déesse de l’amour en personne ? Il ne veut pas l’entendre, elle ne veut plus s’en aller, alors pour écourter, il finit par lui donner la réplique. Et la maudite Aphrodite se métamorphose. L’audition se poursuit dans un échange de jouissances intellectuelles et charnelles, une partie de cache-cache jubilatoire. Bientôt, Thomas ne saura plus s’il est dans la vraie vie ou bien dans celle de Vanda qui le subjugue et l’envoûte.
Formidable pièce à suspense, qui brouille les pistes dans un jeu de miroirs. Huis-clos peuplé de fantasmes, jeux de manipulations, soumissions-dominations, travestissements, jeux de pouvoirs… C’est drôle, intelligent, burlesque, audacieux, érotique.
« Le seigneur tout puissant l’a châtié, il l’a livré aux mains d’une femme… ». À l’heure qu’il est, on n’a pas fini d’en parler.
Déconseillé aux moins de 16 ans
UNE PRODUCTION DU THÉÂTRE LE PUBLIC. AVEC LE SOUTIEN DU TAX SHELTER DE L’ETAT FÉDÉRAL BELGE VIA BELGA FILMS FUND ET DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE. VENUS IN FUR EST REPRESENTE DANS LES PAYS DE LANGUE FRANCAISE PAR DOMINIQUE CHRISTOPHE/L’AGENCE, PARIS EN ACCORD AVEC ABRAMS ARTISTS AGENCY, NEW YORK. Photo © Gaétan Bergez.
Distribution
De David Ivès. Traduction : Anne-Elisabeth Blateau.
Mise en scène : Alain Leempoel. Avec : Fabrizio Rongione et Erika Sainte. Assistante à la mise en scène : Blanche Van Hyfte. Scénographie : Noémie Vanhest. Décoratrice : Eugénie Obolensky. Lumière : Laurent Kaye. Musique originale : Pascal Charpentier. Costumes : Jackye Fauconnier et Chandra Vellut.
Vendredi 29 mars 2019,
par
Catherine Sokolowski
Affrontement sophistiqué
Après Mathilde Seigner en 2013 et Marie Gillain en 2015, c’est au tour d’Erika Sainte de prendre les traits (et le corps) de Vanda, jeune actrice un peu vulgaire qui souhaite participer à un casting. Malheureusement, Thomas Novachek (Fabrizio Rongione), le metteur en scène qui cherche l’oiseau rare, a terminé les auditions. Il en faut plus pour décourager Vanda qui réussit à le convaincre de lui donner la réplique. La pièce du dramaturge américain David Ivès est un petit bijou de manipulation, confrontant sans cesse le réel et l’imaginaire jusqu’à ne plus distinguer les deux. Erika Sainte est stupéfiante de réalisme dans ce rôle de jeune ingénue qui prend lentement le dessus sur son maître. A ne pas manquer.
Sur scène, un petit bureau, une chaise et une méridienne. Fin de la journée, temps d’orage. Thomas Novachek s’apprête à rentrer chez lui, déçu par la médiocrité des trente-cinq actrices qu’il a vu défiler toute la journée. Vanda apparaît, longs cheveux bouclés, imperméable court et brillant, mini-jupe en faux cuir noir. Elle porte un grand sac plein d’accessoires qu’elle s’empresse d’utiliser. Elle se déshabille.
Il se laisse convaincre de lui faire passer l’audition, quelques pages, pas plus. La mise en abyme commence, Vanda se métamorphose. Stupéfait, il en redemande et commence à se livrer. Thomas Novachek a choisi d’adapter ce roman de Léopold von Sacher-Masoch, l’écrivain qui a donné son nom au masochisme, qu’y a-t-il derrière ce choix ?
A travers leurs jeux de domination et de soumission, Vanda et Thomas se découvrent lentement mais la prudence fait bientôt place à la passion. Le dialogue devient une joute oratoire. La pièce est basée sur le roman de Sacher-Masoch écrit en 1870 mais « cette bonne vieille Vanda, elle était grave en avance sur son temps ». La relation entre les deux personnages est fascinante et moderne, les dialogues sont riches, complexes et parsemés d’humour. Le temps d’un soir, le temps d’un orage, laissez-vous porter par les jeux de séduction omniprésents dans cet élégant huis-clos sadomasochiste, vous ne le regretterez pas !
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