Mercredi 3 juin 2009, par Jean Campion

La sexologie pour les nuls

Depuis 1954, Franca Rame et son mari Dario Fo s’efforcent de libérer, par le rire, l’homme de la peur. Cette peur sur laquelle " est fondé tout obscurantisme et tout système de dictature". En transformant un de leurs nombreux monologues en conférence donnée par quatre S.S.F. (Sexologues Sans Frontières), la Compagnie Drolma nous entraîne dans un spectacle burlesque, pimenté de multiples trouvailles, mais alourdi parfois par des interventions trop didactiques.

C’est tout d’abord la lâcheté des parents complexés que la sexologue tourne en dérision. Chaque fois que sa curiosité de petite fille la poussait à interroger sa mère sur les mystères de la vie, celle-ci lui fournissait des explications ridicules ou la menaçait de punitions. Pas de gestes suspects ! Ni de vilains mots comme "vagin", rebaptisé "arrière de devant" ! Il n’est pas étonnant que la fillette, condamnée à l’ignorance, craigne, comme son amie, d’être engrossée par le nombril.

Si les tabous tendent à disparaître, bon nombre d’enfants voient leur éducation sexuelle tronquée par les magazines spécialisés ou les films pornographiques. C’est pourquoi, les S.S.F. s’attaquent avec un humour goguenard aux idées reçues. Ils démystifient les prétentions du mâle, qui feint d’ignorer que 80 fois sur 100 (Brassens va même jusqu’à 95 !) la femme simule le plaisir. Et l’adage qui justifie la tristesse de l’homme après le coït, les rend sceptiques. Tout comme les retombées des découvertes scientifiques sur l’épanouissement du couple : la localisation du clitoris ou du point G n’est pas une sinécure. Clowns militants, Dario Fo et Franca Rame critiquent avec insolence les prises de position du pape, qui interdit aux femmes la pilule contraceptive et encourage les hommes à voir la vie en rose grâce aux pilules bleues.

Malheureusement, toutes les séquences ne sont pas stimulées par ce comique vengeur. Parfois le message politique insistant rend le texte laborieux. Comme dans l’évocation d’un avortement sordide, qui ne parvient pas à nous émouvoir. Trop de misérabilisme et trop de commentaires étirés par l’accent suisse ! On peut aussi regretter le manque de percussion de la "complainte de l’impuissance".

Malgré ces coups de mou, "Un peu de sexe ? Un peu d’amour ?" nous séduit par sa lucidité et sa fantaisie débridée. On se laisse emporter par le rythme endiablé des professeurs d’orgasme. On confronte, avec malice, la musicalité de mots comme vulve, gland ou scrotum. On est éblouis par la virtuosité avec laquelle Alessandra Chillaron mène de front cinq conversations téléphoniques coquines. Cette cocasserie nous aide à lutter contre les préjugés, les erreurs, les fausses valeurs. Sans ce combat, l’amour est condamné.