Arnaud Verley transforme le plateau de la grande scène des martyrs en vaste terrain de jeu, construit sur deux niveaux dont les acteurs descendent pour se placer sur un gazon de fosse aux lions, où vont s’affronter les egos blessés et les passions refoulées. On voit ainsi se construire un système d’entrées et de sorties des personnages, passant derrière des parois pour resurgir en hauteur. On saluera la belle idée d’Arnaud Verley et Thibaut Wenger, qui n’est cependant pas assez exploitée par les acteurs pour pouvoir fonctionner comme la machine scénique qu’elle aurait pu devenir.
Les différentes figures se dessinent au fur et à mesure, entre valets et bonnes facétieux, et nobliaux transis, respectant un ordre social inscrit dans la dramaturgie de Marivaux. On regrettera que cette dimension ne soit pas davantage mise en question par la mise en scène, qui, si elle fait le choix d’actualiser un classique, devrait s’interroger sur la place que peut avoir un rapport maître-valet ou homme-femme sur une scène contemporaine. Thibaut Wenger a rassemblé une équipe d’acteurs d’un grand talent, avec Nina Blanc dans le rôle de Lisette, Olindo Bolzan dans le rôle d’Hortensius, Marcel Delval dans le rôle du Comte, Emile Falk-Blin dans le rôle du Chevalier, Sacha Fritschké dans le rôle de Lubin, et la somptueuse Emilie Maréchal dans le rôle de la Marquise. Si tous assurent avec enthousiasme et puissance les figures de Marivaux, entre commedia dell’arte et discours galant, le plateau demeure déséquilibré et désaccordé, quand le Chevalier de Emile Falk-Blin se trouve effacé par la puissance de la Marquise d’Emilie Maréchal. L’équipe manque d’esprit d’ensemble et de rythme, qui peuvent paraître nécessaires à la bonne réussite d’un travail sur l’écriture de Marivaux. La direction d’acteurs se focalise sur une adresse entre les acteurs intéressante mais insuffisante, et où le manque de profondeur se fait cruellement sentir. Wenger semble à la fois vouloir nous distancier et nous émouvoir, sans avoir fait de véritable choix de mise en scène. Une tentative pleine de bonnes intentions, mais trop éparse et trop peu creusée pour véritablement tenir la route.
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