Un mois après son mariage, la Marquise a perdu son époux, tendrement aimé. Lisette, sa suivante, s’efforce de lui remonter le moral. En vain. Sa maîtresse se complaît dans la dépression. Elle ne peut pourtant pas refuser sa porte au Chevalier, un voisin, ami de son mari. Celui-ci est désespéré. Angélique, la femme qu’il aimait, s’est retirée définitivement dans un couvent. Emue par leur détresse commune, la Marquise lui offre son amitié : en se plaignant mutuellement, ils rendront "la douleur plus supportable". Les manigances de Lisette, les maladresses de Lubin (valet du Chevalier), les pièges d’un rival (le Comte) susciteront la jalousie du Chevalier et le dépit de la Marquise. Cependant, au terme d’une lutte épuisante contre la vérité, les masques tomberont...
Incarnant la Marquise, Marie Druc affiche la détermination d’une femme de tête, plus influençable qu’elle ne le voudrait. Contrairement à ses affirmations de veuve éplorée, elle n’est pas uniquement "préoccupée par sa douleur". Si elle ne souhaite pas se marier, elle ne supporte pas que le Chevalier refuse sa main. Blessée dans son amour-propre, elle se jure de l’assujettir. Au troisième Acte, affolée par les manoeuvres des uns et des autres, elle frise la crise de nerfs. La composition de Valentin Rossier, dans le rôle du Chevalier, est moins contrastée. On est surpris par ses contorsions et son débit heurté. Puis on s’habitue à ses gestes mal contrôlés, témoins de sa sensibilité exacerbée. Son amitié mélancolique devient une passion amoureuse qui le fait souffrir, le rend jaloux et l’entraîne à mentir. Pas question de perdre la face ! Seule une capitulation commune libérera les "inconsolables".
Par son impertinence décontractée, Lisette (Anna Pieri) souligne la mauvaise foi de la Marquise. Lucide et pleine de bon sens, elle multiplie les conseils et prend même des initiatives qui vexent sa maîtresse. Une implication provoquée par son attachement et son intérêt. En se mariant avec le Chevalier, la Marquise lui permettrait d’épouser Lubin. L’air goguenard et le pragmatisme nonchalant de ce serviteur, joué par Paolo Dos Santos, s’opposent violemment à l’allure tourmentée de son maitre. Le Comte (Pierre Banderet) est un pion utile pour débusquer la vérité des sentiments. En revanche, Hortensius semble égaré dans cette comédie. Engagé par la Marquise, pour lui enseigner les belles lettres, il apparaît comme un tartuffe insipide, puis comme un pédant qui se gargarise de philosophie. Le ton monocorde et le jeu apathique de José Lillo renforce l’ennui qui se dégage de ce personnage marginal.
Pour concentrer notre attention sur cette dissection des sentiments, Valentin Rossier a choisi un plateau nu, encadré par une alternance de châssis vides et de fenêtres opaques. Des projecteurs "font office de décors, tels les éclairages d’une salle d’opération". Cependant la fluidité de la mise en scène, le rythme soutenu imprimé par les comédiens, la subtilité des dialogues, le regard ironique de l’auteur rendent cette exploration du coeur humain drôle et pertinente.
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