Espérant pouvoir jouer un rôle important dans l’entrée en guerre des Etats-Unis, l’aviateur renommé ira jusqu’à lancer un appel radiophonique à ses compatriotes, le 29 novembre 1942, depuis New York, avec pour premiers mots : « Français, réconcilions-nous pour servir ». Des archives américaines récemment publiées révèlent que les services secrets américains auraient tenté de remplacer le général de Gaulle par Antoine de Saint Exupéry à la tête de la Résistance. Le message pro-américain sera incompris. Mais Le petit Prince deviendra une œuvre littéraire de renommée mondiale…
Cela c’est le côté noble. Il y a aussi le côté détestable et violent de l’écrivain que l’on découvre au fil de la pièce, dans ses crises d’hystérie masculine qu’il déballe sans complexe. Le comportement d’un sale enfant gâté. De quoi refroidir le spectateur. Comme quoi, le merveilleux humaniste est bardé de contradictions. Il mène auprès de sa femme Consuelo qui lui a tout sacrifié, une vie totalement dissolue et n’a de cesse de la tourmenter, elle qui le trompe par désespoir à chaque incartade. Stéphanie Van Vyve, en noir corbeau, chaussures assorties au rouge à lèvres, l’incarne avec autant de ferveur que de fureur. Son « Tonnio » (Frédéric Lepers) comme elle l’appelle, avec un solide accent espagnol, très déroutant au début, se désole d’être loin de la France. Et ce n’est pas à elle qu’il dédie le livre dont elle a soutenu la pénible construction pas à pas, mais à son ami juif resté en France, Léon Werth. Amitié ou plaisir pervers de persécution ? Autre tourment, le pilote de guerre, artiste lucide, perçoit la montée de la culture de masse au détriment de la liberté individuelle…
La pièce de Jean-Claude Idée reflète bien ces contradictions. Consuelo est la rose avec ses épines, ses migraines et son orgueil blessé. Le message humaniste fleurira sur scène : « Si je diffère de toi mon frère, loin de te léser, je t’augmente ». Le décor qui évoque les tentes du désert est déroutant puisque la genèse du Petit Prince, leur enfant à tous les deux se passe dans une villa de Long Island… Mais Stéphanie Van Vyve est très juste dans le rôle de la femme-Rose.
Denis de Rougemont (Frédéric Almaviva), le philosophe suisse des relations amoureuses est là aussi pour représenter une facette du Petit Prince, la fameuse pose couchée sur le ventre, car les trois personnages s’en réclament, unanimement. Comme nous tous. C’est ce qui et si beau dans l’œuvre de Saint-Ex.
Et pas facile donc de concilier, querelles domestiques, affres de la création, poésie et engagement politique. C’est ce dernier point qui dans le mélange des genres, est interprété avec le plus de lourdeur.