Laura, c’est le personnage principal, malgré l’omniprésence de sa mère. Elle est une bouleversée. Bouleversante. “Les bouleversées se reconnaissent de loin. A leur démarche un peu aérienne, un peu en déséquilibre. Il y a aussi en elles comme une urgence, un état d’urgence permanent qui les fait asseoir au bord des chaises, en bordure des lieux, comme s’il fallait courir très vite. Comme si un état d’alerte permanent les habitait.
La gestuelle est toujours gracieuse. Le temps jadis, celui de la jeune fille en fleurs continue comme un halo flou, à ourler de toutes parts la silhouette. On les reconnait aussi à cette façon de garder la main sur le cœur. Une main seulement. Mais qui semble le tenir. Qui semble prendre appui aussi. Et puis elles ont ce regard qui fixe quelque chose ou quelqu’un qui n’est pas dans le champs de vision. ” La comédienne force le public, par son jeu admirable et son honnêteté, à regarder l’Autre en face, les yeux dans les yeux, sans détourner le regard. C’et ainsi que joue Sarah Lefèvre.
La mise en scène de Thibaut Nève donne une somptueuse amplification au texte. Elle mêle les éclats de verre et les éclats de voix, l’angoisse économique et le monde du rêve. Le plateau est le lieu où se tressent l’amour et la haine, où se dresse une figure maternelle omnipotente et possessive et à la fois complètement fragile et désemparée. Elle incarne une tyrannie de castratrice géante dont les pieds sont d’argile et les lunettes faites de l’écume des jours. Sa fille, Laura est totalement investie par le pathétique de la situation et livre une interprétation d’une justesse extraordinaire. Tout comme le fils Tom, incarné par un impétueux William Clobus parfait dans son rôle, qui est déchiré entre son jeune rêve d’aventures et ses obligations familiales alimentaires et Jim, le sauveur, ou pas, pareillement vrai-semblant ! Du cinéma, craquant de charme traduisant le rêve américain bon teint dans un emballage franco-français Beverly Hills High ! …Irrésistible. Non il n’est pas un jeune loup aux dents longues ! Il y croit ! Et la jeune-fille, malgré sa déception sentimentale, se métamorphose bel et bien ! Il est tout-à-fait dans la ligne du personnage de Brandon au grand cœur : “Would have, could have, should have… “ De quoi plaire aux ados d’alors ! C’est Louis Sylvestrie.
Du très grand théâtre intemporel. La mise en scène aurait pu verser dans le monde de Dorothea Lange. Mais ce n’est pas le cas. La mère courage est une femme d’action et de verbe, saisissante d’énergie et de colère. Nommons la : Patricia Ide.
Dominique-Hélène Lemaire
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