Lin est une mère, mais Lin est aussi une danseuse. Dès le début du spectacle, le cœur du problème semble clair. Ce sont les relations difficiles avec sa deuxième fille Marina qui vont faire naître chez Lin le désir profond de quitter son foyer pour vivre sa passion en dansant aux quatre coins du monde. Le spectacle exploite avec une grande sincérité la question de la maternité et de l’abandon en prenant à témoins les deux filles et le père délaissés. Les trois comédiens nous livrent alors le récit de leur famille décomposée et laissent transparaître les blessures causées par l’absence d’une mère ou d’une épouse. De l’enfance à l’âge adulte, nous découvrons les chemins et les choix littéralement différents que prendront Angela et Marina, interprétées avec fraicheur et intensité par Sarah Brahy et Charlotte Villalonga.
La superposition de la narration et des moments de danse, menés avec sensualité et délicatesse par Johanne Saunier, confère au spectacle une forme originale, soutenue par un décor inventif parsemé de caisses en bois qui s’ouvrent au fur et à mesure du spectacle pour dévoiler des objets de jeu ou illustrer des atmosphères particulières. Placée au fond de la scène, une cage vitrée permet de créer un espace scénique symbolique qui sépare la danseuse du reste du plateau et éloigne Lin de sa famille. À travers cette alliance de la danse et de la parole, on assiste à la rencontre de deux moyens d’expression qui se renforcent mutuellement lorsque que les relations entre les personnages sont mises en danse et leurs émotions mises en mouvement.
Par des jeux subtils de lumières et d’ombres qui révèlent les corps, illuminent ou assombrissent la scène, Isabelle Jonniaux joue avec l’intimité de la sphère familiale. L’alternance entre les voix naturelles des comédiens et l’utilisation de micros donne une autre dimension à la parole et construit des ambiances déroutantes. Souvent, les voix s’entremêlent, se mélangent, s’accélèrent dans une douce cacophonie qui amplifie les tensions. Mais parfois, ce sont les silences profonds ou les musiques troublantes qui traduisent un mal-être avec intensité.
Même si un léger manque de rythme se fait sentir à certains moments, La Virevolte emporte le spectateur dans un élan de sensibilité et de finesse en touchant à des questions complexes ; comment être une femme libre et une mère à la fois ? Comment jouer son rôle de père quand celui de la mère s’efface ? Comment se reconstruire quand on a été abandonné ? Comment être mère quand on a perdu la sienne ? Comment être mère, tout simplement ? Et la boucle est bouclée…
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