Ils sont sur leur trente-et-un. Ils reviennent de quelque part. Ou peut-être ne sont-ils pas encore partis. Les dialogues sont directs, l’écriture se fait sur le plateau. Les logorrhées s’enchainent sur un fond vert irisé. Nous n’avons pas encore accès à ce qu’il se passe derrière, ça va commencer.
Les garçons nous racontent d’abord comment ils sont arrivés là, pragmatiquement. Tous sont la manifestation de copains archétypes : le petit et le sensible, le beau gosse et le mec sage. Ils sont alignés en bord de scène.
Tous irréels, vraiment.
Apparemment, c’est Éline qui a organisé tout ça. C’est ce qu’ils disent et ici, on peut tout faire, même (surtout) si c’est pour de faux.
La scène s’ouvre et tout implose. Le jeu est rythmé, crescendo, foisonnant, les comédiens enchainent les anecdotes qui parlent de tout et souvent de pas grand-chose tant qu’il n’y a pas de place pour le silence. Et s’il y a du silence, on met du Bruce Springsteen ou on peut toujours se mettre à danser.
Dans sa Ville des Zizis, Éline Schumacher rêve la bande de potes de son père dans une nostalgie amère aux reflets pops. Un univers dans lequel les cercueils servent à faire des bras de fer, où on se rend aux enterrements en maillot de foot, éclairés par une boule à facettes. Ici, on crée de l’existence : les vrais mecs font des barbecues avec l’accent américain et les adultes sont des enfants qui jouent à faire la guerre… Et à faire les copains.
Dans un décor qui éclate au fil des goûts et des souvenirs de son père, Éline et sa bande donnent la voix à tous les possibles, ceux qui vont chercher loin. Nous sommes dans un espace intime, de l’imaginaire pur, jubilatoire et cruel. La scénographie se rend flexible et malléable à cette explosion. Tantôt bar karaoké ou allée de palmiers en Floride, elle peut se faire Empire State Building ou autoroute des vacances, au service de tous ces mecs qui ne demandent qu’à sortir d’eux-mêmes.
Par l’excès, ils viennent déjouer la solitude qui se loge dans la voix rauque qui murmure en arrière-plan venant structurer le récit en le ramenant à une réalité moins douce.
La pièce vient questionner le rapport au père, tout ce que nous pouvons y projeter et cette masculinité qui part en vrille, cliché d’elle-même, se tordant dans tous les sens à la fois. Il y a quelque chose de triste derrière ce concours de qui pisse le plus loin.
Finalement une histoire de cowboy pas si solitaire qui touche autant qu’elle divertit.