Alice a du vague à l’âme. Elle aimerait qu’après l’amour, Michel se montre plus tendre et surtout que leur liaison ne se résume pas à ces galipettes hebdomadaires, dans une chambre d’hôtel anonyme. Pas une nuit complète en six mois ! Se sentant coupable, elle brûle de révéler la vérité au mari qu’elle aime toujours. Réactions véhémentes de Michel. Paul, son meilleur ami, vient de perdre son job. On l’a jeté comme un kleenex. Pas question de l’accabler par un aveu ! Sensible à ses regrets, il fait choisir à sa maîtresse la date d’un prochain week-end en amoureux et annule une réunion, pour prolonger leurs ébats.
En l’interrogeant sur son après-midi, sa femme, Laurence, lui tend des pièges. Pour endormir ses soupçons, Michel rebondit de mensonge en protestation indignée. Avec une mauvaise foi confondante. Chaude alerte qui ne remet cependant pas en question son escapade avec Alice. Mais lorsque Paul lui confie ses doutes sur la fidélité de son épouse, il commence à perdre pied. Et il est saisi de vertiges en découvrant que les autres lui cachent la vérité. Pour le protéger ! Il nous amusait beaucoup en menteur cynique, il est encore plus drôle en arroseur arrosé.
Pierre Pigeolet le fait vivre avec un punch époustouflant. Cajoleur, narcissique, hâbleur, Michel ment effrontément. Par intérêt mais également par plaisir. Il faut le voir jubiler dans le rôle de la "tata d’Alice". Et puis englué dans la toile qu’il a tissée, il déclenche des fous rires par ses coups de gueule contre l’hypocrisie ambiante. L’auteur réussit à désarçonner le spectateur par les retournements de situation et la part d’ombre qui enrobe les autres personnages. Incarné avec un flegme désarmant par Michel Poncelet, Paul est un ami de plus en plus inquiétant. Tout le contraire de la victime, que prétendait ménager Michel. Alice (Marie-Hélène Remacle) fait sentir que son couple est encore solide et Laurence (Marie-Paule Kumps) nous surprend par ses comportements ambigus. Nous sommes loin des stéréotypes du vaudeville. La mise en scène intelligente de Patrice Mincke fait émerger la complexité et l’humanité de ces quinquagénaires à la recherche d’un deuxième souffle.
Remarquablement construite, cette comédie séduit par sa cocasserie et son humour grinçant. Mais, sans jouer les moralistes, Florian Zeller suscite aussi notre réflexion. "Si les gens arrêtaient de se mentir du jour au lendemain, il n’y aurait plus aucun couple sur terre. Et dans une certaine mesure, ce serait la fin de la civilisation." affirme Michel. On ne souscrit pas aux propos excessifs de ce menteur invétéré. Pourtant les relations entre les membres du quatuor nous suggèrent que la vérité est inaccessible et qu’elle a besoin des voiles du mensonge.
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