La Vecchia Vacca

Théâtre | Théâtre Les Tanneurs

Dates
Du 26 au 30 mars 2013
Horaires
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La Vecchia Vacca

« Une femme, silencieuse, les seins vides posés sur les rebords d’une table à manger ». C’est sans doute ce qui servit de point de départ à La Vecchia Vacca, création, obsession, et introspection personnelle autour de l’Italie natale, de la famille et du soleil, le tout garni de Nutella. Trois femmes s’acharnent sur un veau qui meugle, tentant vainement d’échapper à l’inévitable : reproduire, encore et toujours, le schéma de son premier et unique amour ; celui d’une mère. D’un côté, deux vieilles vaches : l’une ne trouve pas le moyen de donner du lait à son enfant, la deuxième n’a plus rien à offrir. De l’autre, une femme enceinte, qui trouve le moyen de ne jamais accoucher. Leur trio renvoie alors à nos propres obsessions, du trop-plein d’amour au manque affectif. Ici, sous toutes formes d’excès, le manque et l’absence du jeune veau deviennent pour ces vaches un enjeu au quotidien. Ici, le corps et ses blessures sont chorégraphiés et rythmés au son des musiques des émissions télévisées italiennes des années 60, et se construisent comme une Follia de Vivaldi. Ici, la narration de La Vecchia Vacca s’élance dans une construction faite d’une succession d’images où le noir, le gris et le blanc des photos du passé évoluent, pour en faire exploser la palette chromatique, gober « la Nutella » et avancer librement.

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Vendredi 29 mars 2013, par Blanche Tirtiaux

Le recyclage de la vieille vache

La Vecchia Vacca clôt au Théâtre des Tanneurs le focus [e]utopia consacré au travail du metteur en scène Armel Roussel. Salvatore Calcagno, jeune élève de Roussel, présente dans le cadre de ce festival sa première création, un spectacle décoiffant duquel on ressort comme d’un trip fou, le souffle coupé et le sourire jusqu’aux oreilles. Retour sur ce voyage décalé en Italie carolorégienne.

Difficile de savoir par où commencer, lorsque l’on repense à La Vecchia Vacca. Une heure de délire pur catapulte le spectateur dans un ailleurs sans nom qui dégage une force explosive difficile à rendre compte. On entre dès les premiers instants dans une douce folie sur fond de cuisine italienne, pour ne se réveiller que lors du salut final. En effet, si le travail de Savatore Calcagno est remarquable à beaucoup d’égards, c’est sans aucun doute le punch et la fraîcheur de son univers qui transportent. Une ambiance insensée et une théâtralité poussée jusqu’à ses limites mais pleinement assumée font de cette première création un tourbillon d’inventivité.

Salvatore Calcagno se lance sans filet dans une aventure périlleuse de laquelle il ressort gagnant. Âgé d’à peine 23 ans, le jeune metteur en scène conclut une œuvre pétillante où rien n’est laissé au hasard. Tant sur la forme – loufoque, originale, surprenante, et parfaitement calibrée – que sur le fond, le jeune artiste tire de son jeu un spectacle sans accrocs où la ligne dramaturgique se dessine avec une limpidité bluffante. Le théâtre est là dans toute sa splendeur, créateur d’un instant suspendu où l’on accède à une réalité innovante et inattendue, où l’on se retrouve déconcerté et pendu en haleine en attente du prochain virage scénographique. Et le tout a du corps ! On est à mille lieues de ces shows à la mode où l’efficacité des effets prend le pas sur la consistance narrative. Car sans tomber dans le piège simplificateur du théâtre à thèse, La Vecchia Vacca décape aussi par son contenu ravageur. Plongée dans un monde qui oscille entre l’Italie traditionnelle, l’Italie la louviéroise, et la ferme débraillée, la salle assiste à une déconstruction vitriolée des modèles de genre et des clichés sexistes. Un cocktail explosif où les bonnes mères au foyer transformées en vaches laitières rencontrent les gentilles pimbêches de comptoir pour se transformer en une armée de poules caquetantes aux rires presque porcins. Tout est dans le détournement subtil de gestes et réalités quotidiennes : le tartinage de chocolat sur le pain devient chorégraphie rythmique, l’aspirateur objet de chirurgie, les personnages – tous incarnés par d’excellents acteurs qui mènent d’ailleurs une performance parfaite – sont tournés dans une dérision qui fait d’eux des êtres caricaturaux voire carrément timbrés.

Il ne nous reste qu’à nous régaler de cette liberté théâtrale totale que prend le metteur en scène, en nous gavant des tableaux visuels puissants et du comique absurde des situations qu’il nous offre. Merci, et chapeau bas !

Blanche Tirtiaux

Théâtre Les Tanneurs