Victime d’un cambriolage, Alan Turing (40 ans) porte plainte au commissariat. Le dialogue entre le professeur et le représentant de l’ordre est jouissif : « Appelez-moi prof, comme l’un des cinq nains….Pas d’enfant. A part moi-même. » En fait, ce vol est l’œuvre de l’un des gigolos que Turing entretenait.
La création de Benoit Solès est basée sur la pièce « Breaking the code » de Hugh Withemore. Le film, « Imitation Game », pour ceux qui l’ont vu, est quant à lui basé sur la biographe d’Andrew Hodges « Alan Turing : The Enigma ». Tout ceci donne évidemment envie d’en savoir beaucoup plus.
Juste avant la guerre, en 1939, Turing est intégré à l’équipe de cryptographie de Bletchley Park dans le but d’élucider les codes cryptés de la redoutable machine allemande « Enigma ». Contrairement au film, qui s’intéresse essentiellement au travail du savant sur cette machine, la pièce met en avant l’homosexualité du scientifique.
A l’école, son meilleur ami, aussi doué que lui, s’appelait Christopher Morcom. Mort de tuberculose bovine en 1930, avant que Turing ait pu lui déclarer sa flamme, c’est son prénom que portera la machine élaborée pour décrypter les codes allemands.
Les flashbacks habilement gérés dans un décor unique (bureau du commissariat, étagère parfois transformée par des projections…) permettent aux spectateurs de se familiariser avec la vie de ce sympathique génie. Malheureusement, à l’aube de la guerre froide, sa contribution doit rester secrète. Il ne pourra donc pas s’en servir lorsque qu’on veut le condamner pour homosexualité. On lui donne le choix, soit il va en prison pendant 2 ans, soit il accepte d’être « soigné » à fortes doses d’ œstrogène. Il choisit cette deuxième solution mais se suicide à 41 ans, en 1954. Contrairement à des milliers d’homosexuels, Alan Turing a été réhabilité en 2013 par la reine Elisabeth II et reconnu comme héros de guerre.
Malgré un problème technique le soir de la première, à savoir la démission de l’un des deux vidéo projecteurs, le spectacle en a bluffé plus d’un. Benoit Solès, premier comédien à recevoir simultanément le Molière de l’auteur et du comédien pour cette pièce, est en état de grâce. Il est Alan Turing et le public le sent. Que dire de plus ? Avec un artiste au sommet de son art qui endosse le costume d’un scientifique hors norme, le spectacle ne peut qu’être exceptionnel. A déguster.
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