Du matin de sa vie sur la planète, éclairé par rien ni personne - si ce n‘est sa pauvre mère - , à sa mort, cachée de tous, Noël Biledew vivra dans l‘ombre, que ce soit celle due à ses origines sociales ou à ses activités. Homme obscur, il sera detesté et détestable. De ses arnaques de petite frappe à son business de charme, La Griffe, comme il veut se faire appeler - et comme il l’a ridiculement fait broder sur son blouson - prend sa revanche sur une vie qu’il croit contre lui et contre ceux qui ne l’ont jamais pris au sérieux. Un anti-héros pathétique comme on aime les voir mais joué ici par un Jaoued Deggouj peu convaincant.
Barker offre une vision intéressante de l’après-guerre et de ses décombres. Dans un Londres sans illusion, chacun des protagonistes s’édicte ses propres règles pour pallier les valeurs qui n’ont plus cours. Comme la mère de La Griffe qui fermera très vite les yeux sur les magouilles de son fils ou comme le ministre qui n’hésite pas à abuser de son pouvoir. Des individus et une société en crise...
Toutefois, les personnages sont loin des beaux étendards de la lutte des classes ; le seul à le brandir sera le père Biledew, qui restera sur scène tout au long de la pièce, pour appuyer la lecture sociale ou pour rappeler le drame intime qui a mis initialement en marche La Griffe. Bernard Marbaix dans ce rôle de père sera le seul coup de cœur du côté des comédiens, les autres restant soit trop lisses, soit à la limite du surjeu. Cette volonté d’exagération pour ajouter au pathétique des personnages dessert entièrement la pièce qui sombre alors dans la caricature simpliste.
Quant à l’odyssée dans le swinging Londres qu’on nous promettait, elle n’aura que peu de saveurs, l’univers sonore et visuel manquant cruellement de relief. Malgré quelques inventivités techniques, la scénographie - pas plus que la mise en scène - n’arrivera pas à lier le tout pour nous offrir ce qui aurait dû ressembler à une descente dans les bas-fonds d’une ville en perdition mais qui apparaît plutôt comme une succession sans rythme de petites saynètes.
En somme, si l’univers de Barker reste intrigant et que ses personnages mériteraient de s’y attarder, il ne sied visiblement pas à l’approche de Lini ni aux comédiens du Théâtre en Liberté…
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