LES RUSTRES
Les femmes doivent-elle être domptées ?
La domination masculine. On sait que, malgré les avancées du féminisme, elle est hélas, toujours d’actualité.
Considéré comme le chef d’œuvre de Goldoni et certaines scènes comme les plus belles du théâtre comique de tous les temps, Les Rustres oppose le vieux monde de Venise à un petit monde féminin, malicieux et sensé, tandis que dehors la folie du carnaval va bon train. Quatre personnages dotés d’une rudesse conservatrice se heurte au bavardage léger des femmes. Deux atmosphères s’y opposent, l’une chargée du poids de la tradition, l’autre ingénue et rebelle, dans une intimité familiale faite de confidences et d’indiscrétions.
Mais le contexte historique s’efface ici devant la légèreté de la farce, le vérisme ironique de l’intrique. Et si quatre femmes charmantes s’opposent à quatre bardons hargneux, grâce à la vivacité d’une langue très imagée, très colorées ?
Goldoni rappelle que les femmes tout autant que les hommes ont le droit de participer au carnaval de la vie.
Quatre merveilleux rôles de bourrus, râleurs, bornés et intolérants. Quatre savoureux rôles de femmes où les comédiennes, porte-paroles de la condition féminine, s’en donneront à cœur joie !
Un pur bonheur, un vrai morceau d’anthologie qui n’a pas pris une ride.
de Carlo Goldoni
Théâtre en Liberté
Interprétation : Isabelle De Beir, Dolorès Delahaut, Jaoued Deggouj, Christophe Destexhe, Bernard Gahide, Bernard Marbaix, Stéphane Ledune, Julie Lenain, Hélène Theunissen, Laurent Tisseyre,
Texte français : Gérard Vivane
Mise en scène et scénographie : Daniel Scahaise
Costumes : Anne Compère
Régie/Lumières : Philippe Fontaine
Un spectacle de Théâtre en Liberté en coproduction avec le Théâtre de la place des Martyrs
Du 20.02 au 30.03.2013
les mardis à 19h, du mercredi au samedi à 20h15, les dimanches 10 et 24.03 à 16h
Infos & réservation : 02 223 32 08 – loc@theatredesmartyrs.be
Lundi 25 février 2013,
par
Céline Brut
"Qui parle de femme, parle du Diable !"
C’est un sujet épineux auquel s’attaque une fois de plus Carlo Goldoni, le fameux dramaturge italien. On tente, tant bien que mal, de caricaturer l’haïssable façon dont certains maris traitent (encore ?) leurs femmes. Une belle leçon de féminisme qui pourra néanmoins en agacer certains, en irriter d’autres et en amuser tout de même quelque uns.
« L’action se situe à Venise durant le Carnaval ». On devine dans les rues des cris, des rires, de beaux costumes. De la fenêtre une jeune fille et sa belle-mère guettent. Hors des murs de leur maison, elles ne sont rien, ne font rien et ne voient personne. Dans cette vieille Venise, la femme moderne occidentale n’existe pas encore. Pourtant, le texte de Goldoni laisse entendre qu’elle sommeille en chacune des vénitiennes. On espère alors que la musique du Carnaval va réveiller les italiennes et que l’on aura droit à une belle controverse, à des femmes aux caractères forts et ambitieux, à des extraverties masquées… Mais c’est un discours bien moins piquant qui attend le public. Seuls les hommes hausseront le ton. La pièce plonge le spectateur dans une longue et incessante plainte à l’intonation virile. Et ça ne s’arrête pas. Encore et encore les maris critiquent, s’exaspèrent, s’impatientent devant leurs épouses, toutes soumises et asservies qu’elles sont. Un discours réitératif qui en fera bailler plus d’uns. La durée de certaines scènes n’arrangeant rien à la chose.
Heureusement, le talent des comédiens sauve les meubles. Même s’ils ne se valent pas tous, une belle énergie émane de la troupe. Puis, il faut préciser qu’ils sont nombreux sur les planches du théâtre des Martyrs. Plus on est de fous, plus on rit, retiendra-t-on. Les spectateurs ont le plaisir de les découvrir au fur et à mesure de la pièce, ce qui aura pour effet de réveiller les endormis du fond de la salle. Passé la mi-temps, les scènes s’enchaînent, les personnages défilent et les rires du public retentissent. Il était temps que la farce italienne prenne son envol. De l’humour, des messes basses et de beaux costumes, les ingrédients sont enfin réunis. La fin, dynamique et cocasse, fait regretter le début morne de la pièce.
La conclusion, quelque peu moralisatrice, fait sourire même si certains lèveront les yeux au ciel. À dix, ils peignent une extravagante fresque de la place de la femme dans la société et finissent en beauté ensemble sur scène, tout en évitant le grand n’importe quoi de la foule masquée du Carnaval vénitien.
Céline Brut
9 Messages