Régnant depuis un nombre incalculable d’années, le roi Bérenger 1er se voit annoncer sa fin prochaine par son médecin, parfaitement impuissant. Pour le souverain, la chose est tout simplement impossible. Et pour cause, lui qui a tout pouvoir sur tout et tout le monde n’a pas décidé qu’il souhaitait mourir. Ce grand amateur des plaisirs terrestres a même encore très envie de vivre. Il lui semblait d’ailleurs avoir trouvé une seconde jeunesse dans les bras de sa deuxième épouse, Marie, qui, comme lui, aime tellement les bals, les dîners, les cérémonies et tout ce qui permet de profiter de la vie. Il va cependant devoir se rendre à l’évidence, il est mourant et ne peut plus rien y changer.
Lui qui, au temps de sa gloire, commandait même aux astres et à la nature ne règne plus que sur un royaume dévasté et réduit à son palais et ses environs. Trop occupé à jouir des bienfaits de l’existence royale, Bérenger 1er a laissé son royaume péricliter et ne s’est pas préparé à l’inévitable fin. A présent il est trop tard et sa première épouse, la reine Marguerite, lui annonce solennellement : « tu mourras à la fin de la pièce ».
Mais Bérenger refuse de se voir mourir et tente de se révolter contre la fatalité. Passant du déni à la colère puis au désespoir, il finira par abandonner ses dernières illusions et accepter, enfin, l’idée de sa propre mort.
Ionesco écrit Le roi se meurt en 1962, après s’être senti approché par la mort. Il entame alors une réflexion qui va accoucher de cette « farce tragique », au carrefour de son humour grinçant, son goût pour l’absurde et la pure tragédie classique.
Des trois, la mise en scène de Christine Delmotte et surtout la performance de l’acteur principal, Pietro Pizzuti, privilégient la tragédie. La scène et les costumes sont dénués de tout faste royal, comme pour bien montrer que ce roi là n’est déjà plus rien et que cette cour est restée coupée du monde depuis trop longtemps. Débraillé et un peu niais, le personnage du roi a perdu dès le début de la pièce toute sa dignité et va se débattre d’une manière exagérément démonstrative contre l’idée de sa mort qu’il ne peut admettre. Pietro Pizzuti parvient à extraire la quintessence du personnage, c’est-à-dire son côté pathétique et infantile. Combiné à des effets de lumière destinés à mettre en évidence cette figure tragique, le résultat se révèle impressionnant à certains moments de la pièce. Son portrait géant, pendu au fond de la scène et dont l’image se dégrade au fur et à mesure est une autre belle trouvaille. On visualise directement la dégradation progressive de la santé du personnage et l’effet est saisissant.
Les autres acteurs ne déméritent pas : tous les personnages de la pièce sonnent juste. Ils ne vont cependant jamais aussi loin dans les effets dramatiques, les personnages secondaires restant même plus dans le burlesque. La pièce à beau être une méditation grave sur le thème de la mort, elle parvient tout de même à nous faire rire de temps à autre.
On regrette toutefois un peu que ce « roi qui meurt » ait abandonné toute dignité royale. L’absence de décors de palais ou de costume de roi permet de se concentrer sur l’essentiel : la réaction d’un homme face à sa mort. Mais cela nous empêche aussi d’assister vraiment à la chute d’un monarque. D’autant que s’il joue très bien l’homme désespéré face à son destin, Pietro Pizzuti n’a pas vraiment l’air d’un mourant. Il bouge même beaucoup pour un moribond.
Qu’à cela ne tienne, Le roi se meurt est une pièce à aller voir pour son texte essentiel qui nous apprend à apprivoiser l’idée de notre mort et à nous détacher de nos illusions. Mention spéciale à la très belle mise en scène qu’a réalisée la compagnie Biloxi 48 pour le Théâtre des martyrs.
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