Trois acteurs très crédibles, Laura Sepul en maître de cérémonie, campant admirablement la naïveté et la cruauté du monde de l’enfance, encadrant Emilie Hermans (Laetitia) enfermée dans une prison qui revêt la forme d’une cave ou d’une chambre d’hôpital (référence à l’histoire de Natascha Kampusch kidnappée et emprisonnée pendant de longues années) et David Murgia (Bastian), traumatisé par de lourdes « plaies psychiques », qui ne trouvera d’autres alternatives que le suicide après avoir blessé un grand nombre de condisciples (allusion à l’histoire de Sébastien Bosse, qui blessa trente-sept personnes dans un lycée allemand avant de se donner la mort).
Quitter l’enfance, c’est abandonner ses rêves et la conviction que l’on peut tout changer. Traverser l’adolescence c’est affronter la solitude, un univers scolaire pouvant être dévastateur, la méchanceté banalisée, l’incompréhension parentale et essayer de trouver un sens à sa vie. « Qu’est ce qu’on fout tous ici ? » se demandent-ils à l’unisson.
L’enchevêtrement des narrations de Laetitia et Bastien, tous deux enfermés dans un monde virtuel effroyable, aggrave le côté sombre de la pièce. Rien ne vient enjoliver ces récits, entrecoupés par les sarcasmes d’une créature aérienne passant de l’état d’enfant candide à celui de monstre machiavélique.
Un dialogue entre Bastian et son prof de philo symbolise l’ambiance du spectacle : « tu sais que ce n’est pas drôle ? » « oui, c’est pour ça que je ne ris pas ». En effet, il n’y a vraiment pas de quoi rire, entre les taches rouges sang qui maculent la robe de la gracieuse narratrice, un bruitage explicite et surprenant, des réflexions morbides et des morts réels, n’allez pas là pour oublier vos tracas quotidiens mais, par contre, si vous souhaitez réfléchir aux dérives du monde actuel, et en particulier à celles de sa jeunesse, n’hésitez pas, la pièce vaut le détour.
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