Dès son entrée en scène, Mama apparaît comme la plaque tournante de la famille. Tout en rangeant ses provisions, elle écoute les doléances. Bébert, son fils aîné, lui demande de l’argent pour ses bouquins de médecine. Papa cherche vainement son gros pull et Lapin l’invite à rencontrer sa prof de français. Une visite qu’il juge inutile, puisqu’il a 19 en math ! Mama n’est pas dupe. Débusquant des vérités cachées, elle affronte les problèmes et se montre encourageante et positive. Chez les Lapin, le ton monte vite. Cependant ces engueulades n’ont rien à voir avec le déchaînement de colère, provoqué par ces "sales cons" d’huissiers.
Mama a confiance dans l’avenir. Mais petit à petit, la réalité se dévoile à ses yeux. Poursuivi par les flics, Jeannot, un fils qui "réussissait à l’étranger", vient planquer des valises compromettantes dans l’appartement familial. Sa fille Marie divorce, simplement parce que son mari lui a dit gentiment : "Passe-moi le sel." Lucie, son autre fille, dit : "Non" à Gérard, devant le maire qui s’apprêtait à les marier. Couronnement de cette série noire : Lapin est renvoyé et Papa licencié. Malgré son optimisme inoxydable, Mama est ébranlée. Mais la vitalité l’emporte. Les Lapin refusent la dépression. A chaque retour au bercail, on se chamaille, puis on emprunte un matelas à la voisine du dessus. Celle-ci est attirée par cette famille qui se ressoude. Et l’on comprend qu’elle demande à la rejoindre. Pour briser son insupportable solitude.
La mise en scène précise et inventive de Magali Pinglaut donne du punch à cette comédie chorale. On ne résiste pas à l’allant de Pascale Oudot, Mama énergique et sensible, qui galvanise une troupe de comédiens complices. Parfois un personnage sort de l’action pour se confier au public. Ainsi Lapin nous révèle les mystères de sa naissance. Extraterrestre, il connaît "les remèdes à toutes les maladies et à tous les malheurs", mais il sait aussi qu’il n’a pas à intervenir : "Les cataclysmes qui vont s’abattre sur cette planète ne dérangeront personne." Possédée par un "melon-monologue", Mama libère ses frustrations et demande aux spectateurs : "Pleurez dans votre tête pour moi et mon chagrin." Elle incite aussi les femmes à revendiquer un rôle plus important : "Celui qui ne sait pas voir qui vous êtes, combattez-le avec violence."
Pour réveiller les esprits assoupis, Coline Serreau ridiculise un Premier ministre qui, pratiquant la méthode Coué, martèle que :"Tout va bien." On aimerait profiter plus souvent de cet humour grinçant, omniprésent dans son film "La Crise". Malheureusement la dénonciation du coup d’état fasciste s’embourbe dans un comique laborieux. Et le happy end a un relent de "Joséphine, ange gardien". Pourtant, même si la pièce rate sa sortie, elle a le mérite de recréer un univers chaleureux et de nous surprendre par son dynamisme et sa singularité.
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