LA VIE DEVANT SOI de Romain Gary (Emile Ajar)
CENTRE CULTUREL D’AUDERGHEM Hymne à l’amour. Mise en scène : Michel Kacenelenbogen. Avec : Janine Godinas, Itsik Elbaz, Nabil Missoumi et Benoît Van Dorslaer. Photo : Isabelle De Beir. Momo, 10 ans, vit depuis tout petit chez madame Rosa, une ancienne prostituée. Rosa, c’est la seule maman qui lui reste à Momo. Il y a bien son père qui débarque un beau jour pour l’arracher à sa nouvelle vie... mais repart aussitôt en croyant que Momo, son enfant musulman, est devenu juif ! Et puis, après tous ceux qu’elle a recueillis et élevés dans le quartier, Momo, c’est le dernier enfant qui lui reste à Rosa, elle ne veut pas le voir partir. Même si ce n’est pas vraiment le sien, il est son souffle de vie le petit... Alors oui, entre la vieille dame juive et le petit musulman c’est une histoire d’amour qui se tisse au quotidien, qui les lie l’un à l’autre avec tendresse, avec ironie mais surtout avec une fidélité féroce, sauvage, pour faire face au monde qui gravite autour de leur petit univers cocasse... Ils vont être ensemble, complices, jusqu’au bout de la vie. UNE CRÉATION ET PRODUCTION DU THÉÂTRE LE PUBLIC, D’APRÈS L’ŒUVRE PUBLIÉE AU MERCURE DE FRANCE, AVEC L’ACCORD DES ÉDITIONS GALLIMARD.
Photos © Isabelle De Beir
Jeudi 8 septembre 2011,
par
Caroline Paillard
Ajar et condescendance
La vie devant soi, c’est d’abord bien plus qu’une histoire qui lie un jeune Arabe (Momo) et une vieille juive (madame Rosa). Autre chose qu’une polarité des genres. Le duo-cliché ne représente d’ailleurs pour son auteur qu’un prétexte, une amorce à l’échange puissamment humain, irrémédiablement mortel, entre ces deux « bouts » de la vie.
On peut aussi y voir l’histoire du monde symbolisée par cette vieille femme qui « se défendait » autrefois (autrement dit une ex-pute), maternisante malgré elle et concentré de détresse en décrépitude. Autour de madame Rosa, Momo incarne la vie en orbite, une intranquillité légère et le fils (de pute – oui, sa mère « se défend » également) en puissance.
Dans la mise en scène de Michel Kacenelenbogen, on rit un peu des reliefs tragi-comiques de cette relation forte et authentique. Juste un peu parce qu’on a quand même l’impression que les angles ont été arrondis pour vouloir plaire. Et du coup, le dialogue perd de sa fraîcheur lucide en se concentrant trop sur la quasi moralisation des rapports judéo-arabes lissés par l’humour auquel on pardonne tout.
Mais... il y a un mais. Il faut bien avouer que l’exercice de l’adaptation du roman au théâtre porte toujours en lui le péril de l’interprétation subjective... sans vouloir théoriser. On se retrouve donc, au cours de la pièce, plutôt dans une gentille petite histoire de famille que dans la transmission d’humanité brute.
Tout ça par contre ne ternit pas la magistrale interprétation d’Itsik Elbaz (Momo) et de Janine Godinas (madame Rosa). Lui adopte la présence à la fois souple et enracinée de l’enfance à vif et elle la pause et la sagesse détachées de la vieillesse en sursis. Du très bon jeu qui arrive à sauver un travail un peu trop scolaire.
Samuel Bury
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