L’ensemble du spectacle se veut relativement expérimental, qui fait peu appel aux mots, mais plutôt aux corps pour dire les émois de la nuit. Le metteur en scène a en effet désiré amener un univers onirique, porté par un travail sensible. On se trouve donc face à une forme hybride, comme le dit lui-même Pascal Crochet, ni tout-à-fait danse contemporaine, ni tout-à-fait théâtre. Un « à mi chemin » qui convient par ailleurs bien au thème.
Invités, au début du spectacle, par les comédiens eux-mêmes, à prendre place, qui sur un matelas, qui sur une chaise, les spectateurs sont ainsi intégrés dans la scénographie. Ils sont en effet installés sur le plateau, partageant l’espace de jeu avec les acteurs. Une proximité complice et troublante, qui a ses forces et ses faiblesses. A cette distance des comédiens, naissent en effet d’autres émotions, d’autres sensations que lors d’un spectacle « classiquement configuré ».
Dans ce processus, Pascal Crochet tente d’amener un nouveau statut du public. Chacun, selon sa place, n’aura en effet qu’une vision parcellaire du spectacle, et il se racontera les « bouts chuchotés aux autres » comme il en aura envie, recréant par la même sa propre pièce.
Au final, il est toutefois à regretter que malgré une volonté annoncée de mettre fond et forme sur le même pied, les corps prennent parfois confusément le pas sur les mots, ce qui empêche alors d’entendre les textes, magnifiques, comme on le souhaiterait.
Il n’empêche que certains moments atteignent une grâce sublime, comme ces instants chuchotés par partie de public.
Et puis reste l’impression finale, magnifique d’émotion, lorsque l’aube se lève sur une salle ayant voyagé de nuit…
Une expérience nocturne que les spectateurs les plus curieux et ouverts aux formes non conventionnelles ne pourront donc qu’apprécier.