Des néons aveuglants découvrent un décor post-apocalyptique où les gravats sont faits de morceaux et de miettes de pain, aliment basique nourrissant les hommes depuis des siècles, qui souffre du temps qui passe, qui peut être bon ou mauvais, qui évoque la misère quand il est rassis ou le plaisir lorsqu’il est frais. Trois personnages, quatre si l’on compte cette femme couchée sur le ventre, immobile oublié dans un coin comme un cadavre, vestige d’un événement passé.
Un homme déambule. Une femme se traîne au sol, se vautre dans la chapelure, tente de se mettre à quatre pattes, renonce, lasse, épuisée. L’autre femme s’approche d’un cube lumineux aux couleurs changeantes d’où sort de la fumée telle une prêtresse devant un autel. L’homme tourne en rond, se rapproche de l’une, de l’autre. La musique vire à la techno, il s’emporte dans ce qui ressemble à une parade nuptiale face à cette femme impassible, stoïque et indifférente à ses gesticulations...
Dans cet univers fantastique, ces êtres marchent, mangent, dorment, rient, se battent, oscillant sans cesse entre comportement humain et animal. Ces « Animans » explorent un environnement dont ils ignorent l’origine, le sens et les limites. Ils recommencent inlassablement des gestes semblables, cherchant à vivre, à survivre, à s’adapter, à inventer de nouvelles façons de faire, ou d’être, à apprivoiser ou dominer le milieu et les congénères. Le mouvement, le comportement des espèces animales traverse le corps du danseur dont l’esprit s’animalise, montrant une partie secrète de sa personnalité.
De prime abord, « Animans » est une pièce déroutante puisque l’absence de repères qui semble affecter les protagonistes n’épargne pas le spectateur. Mais on se laisse vite porter par une logique que l’on devine (ou que l’on s’invente) au fur et à mesure et la puissance plastique de cet objet scénique. La compagnie Caminante y transpose, à travers le cycle de la transformation, la mutation et le changement de soi, la question de l’animalité de l’être humain et de l’humanité de l’animal. Et que se passerait-il si nous cédions à nos instincts ?
Didier Béclard
« Animans » de la Compagnie Caminante, avec Ana Paula Gusmao, María Montero, Nicola Vacca et Alessandra Ferreri (la scénographe qui campe avec brio le rôle du corps inerte dans le coin de la scène), était présenté à un public professionnel en avril au Théâtre Marni (www.theatremarni.com).
Le spectacle sera présenté aux Riches-Claires à Bruxelles en octobre 2021 (lesrichesclaires.be).
Depuis le 28 ami 2021, une captation est visible dur la RTBF Auvio ici : https://www.rtbf.be/auvio/detail_animans?id=2773555.