Une table et trois chaises. Il n’en faut sans doute pas plus pour planter le décor. Mersault, le célèbre étranger, est campé par le jeu subtil de Stéphane Pirard, tandis que Marie Cardona est interprétée par la sensuelle Lormelle Merdrignac. La narration avance souplement, Benoit Verhaert enchainant les autres protagonistes de l’histoire avec une facilité déconcertante. On saluera également le travail sur le texte, dont l’adaptation capte la substance essentielle du roman.
La réussite de cet Etranger tient également à sa "seconde partie", fruit de rencontres effectuées en amont auprès d’élèves du secondaire. Au terme des débats qui se sont engagés en classe, les adolescents sont invités le soir de la représentation à plaider pour ou contre le cas de Mersault. Enfin, le public lui-même est impliqué dans la discussion, si bien que le Petit Varia se transforme en véritable tribunal. De ces échanges naissent quelques réflexions fort à propos, de quoi prolonger habillement la réflexion sous-jacente au roman de Camus. On ne peut que saluer cette initiative, car elle redonne à la littérature sa capacité d’intervenir dans les débats de société.
Certes, la pièce ne présente aucun défaut, au sens où aucun élément ne peut être jugé raté. Justes et précises, les propositions atteignent leurs objectifs. Cependant, on ne peut s’empêcher de comparer l’Etranger avec l’excellent spectacle qu’était La Chute. Ce dernier brillait par l’ambiance qui se dégageait de la scénographie et des chants qui entrecoupaient les monologues. Un vent lourd soufflait sur le cabaret niché en pleine ville portuaire. Or, l’Etranger n’est pas aussi saisissant sur le plan esthétique. L’on aurait aimé que le travail sur le texte soit égalé par une ambiance aussi prenante, ce qui n’est pas toujours le cas.
Il reste que ce spectacle réussit son pari, en alliant réflexion, interprétation et participation. L’initiative, que l’on doit à Benoit Verhaert, de faire entrer la réflexion au sein des écoles ne peut qu’être encouragée. Les débats qui animèrent l’après-spectacle furent d’une grande richesse et donnent une portée supplémentaire au texte de Camus. Oui, on vous le conseille sans hésiter.
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