Un homme trouve un enfant sur la Place du Jeu de Balle, à la fin du marché aux puces. Il est le seul à le voir, à écouter ses cris, à croiser son regard, à s’approcher, à essayer de lui parler. Il nous raconte son histoire, et même s’il ne veut pas être père, il le devient malgré lui. Et derrière ce regard ordinaire se cache une autre bataille. Il découvre l’accueil d’urgence, le juge, la famille, la police, l’administration, l’adoption. Il emmène l’enfant dans cette chambre qui ne sent rien, avec un matelas fatigué. Il laisse faire les mots et révèle l’enfant. Alice, c’est son nom. Thierry Hellin incarne un homme simple aux gestes tendres. Il donne vie au texte et sublime les mots de Céline Delbecq. Il colore et illumine la scène sombre du Théâtre des Riches-Claires. Il transperce de part en part le corps et le cœur des spectateurs. Sa voix tremble un peu, parfois. Ses yeux brillent entre deux silences, comme pour nous dire que la réalité est là, dans la façon qu’il a d’être beau pour nous raconter l’insupportable cruauté de la vie. Il plonge avec nous dans cette tendre aventure parsemée de sensations quotidiennes, comme pour nous dire qu’il ne faut pas avoir peur, qu’il ne faut plus jamais s’éloigner.
Céline Delbecq est un mélange de poésie et de force, et parfois quelque chose nous échappe. Son jeu d’actrice dans « Les Filles aux Mains jaunes » au Théâtre Le Public nous bouleverse, la force de ses mots dans « Eclipse totale » au Théâtre Les Tanneurs fracasse nos cœurs contre un mur d’émotions. Dans « L’Enfant sauvage », elle écrit avec le ventre, avec la peau, avec les yeux. Dans ses mots, il y a toutes ces choses indicibles, toutes ces choses qu’on ne peut pas dire ou qu’on ne veut pas voir. Et si notre cœur est en dehors à chaque fois que ses mots nous touchent, c’est parce que toute la vie se trouve dans ses histoires et dans sa subtile manière de nous les raconter.
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