L’école des femmes

Bruxelles | Théâtre | Théâtre Royal du Parc

Dates
Du 21 avril au 21 mai 2022
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre Royal du Parc
Rue de la Loi, 3 1000 Bruxelles
Contact
http://www.theatreduparc.be
info@theatreduparc.be
+32 2 505 30 30

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L’école des femmes

L’occasion de retrouver Guy Pion, formidable dans le personnage de Scrooge, mais aussi dans l’Avare, Richard III ou 1984. Molière balançait déjà à son époque les vieux barbons qui abusent de leur pouvoir et de leur argent pour séduire de très jeunes filles.

Distribution

Avec Thierry Debroux, Béatrix Ferauge, Nathan Fourquet-Dubart, Léone François, Thierry Janssen, Guy Pion, Benoît Verhaert, … et deux enfants

Mise en scène Patrice Mincke

Assistanat Sandrine Bonjean

Scénographie et costumes Renata Gorka

Lumières Alain Collet

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Jeudi 28 avril 2022, par Dominique-hélène Lemaire

L’école des femmes

Ou comment l’esprit vient aux jeunes filles ...

Ou comment l’esprit vient aux jeunes filles… Quand Molière écrit cette pièce, il a 40 ans. Le 20 février 1662, il vient d’épouser Armande, de 20 ans sa cadette, fille de sa première conquête, Madeleine Béjart. Scandale absolu, certains sycophantes iront jusqu’à prétendre qu’il a épousé sa propre fille ! Leur bonheur dérange les bien-pensants.

Or dans la pièce, le personnage d’Arnolphe est un être bien pathétique, son nom est d’ailleurs celui que l’on donne à l’époque à tous les cocus, de là , on comprend son désir de le changer en une appellation plus noble : « Monsieur de la Souche ». Le destin s’amuse, Molière n’avait pas prévu qu’à notre époque, le terme « français de souche » nous donnerait tant d’urticaire, avec ses sombres prétentions à la pureté …des mœurs et des gens ! Arnolphe s’avère donc morose, affairé, et jaloux à l’extrême, n’engendrant guerre la joie, ni dans sa parure ni au logis. Guy Pion endosse ce rôle avec tout l’éclat de son art. Sous les traits d’Arnolphe, irradient en lui autant le Richard III, que L’Avare ou Monsieur Scrooge, ces magnifiques rôles qu’il a joués avec tant de talent et de vérité. Dans Arnolphe, il concentre les éléments les plus repoussants du mâle despotique et possessif, imbu de sa personne, féru de théories machistes qu’il partage allègrement avec son époque. Cette scène de la robe de mariée, où il dévide les obligations de la femme au foyer est une page d’anthologie révoltante. Muette, Agnès subit l’assaut avec vaillance. Va -t-il réussir son plan fou et machiavélique d’avoir mis en pépinière une petite fille de quatre ans qu’il se réserve comme future épouse, l’espérant la plus sotte possible afin que jamais personne ne voudra la lui ravir. Réussira-t-il dans son égoïste et vaine entreprise ? Ou la jeune donzelle, naturellement non dénuée d’esprit va-t-elle réussir à berner le compère et prendre à son insu les pleins pouvoir pour gérer sa vie, ses amours et ses désirs ? Il semble qu’insidieusement les nobles principes de Rabelais ont dû parrainer la jeune éveillée et vont faire taire ces tentatives totalitaires, hypocrites et jansénistes qui hantent la société où vit Molière. Et même si Molière se moque des Précieuses de l’époque, il leur donne voix au chapitre et fait avancer la reconnaissance de la femme comme être humain à part entière.

Agnès est bien le produit de Molière. La si frêle, délicate enfant innocente se mue très vite en femme émancipée, préférant le jeune et vigoureux Horace à son vieux barbon d’ Arnolphe. Et elle dégage un charme à couper le souffle qui s’allie à merveille avec le jeu très agréable de Nathan Fourquet-Dubart en Horace . Elle respire l’innocence, elle préfigure la liberté féminine par la voix, le jeu, les manières, les intonations, les postures. Tout est beau chez elle, étudié et naturel à la fois, il n’y a rien à jeter, on sent chez elle l’instinct du théâtre ! Pas étonnant que le vieil Arnolphe soit si épris ! La jeune comédienne qui l’interprète est fraîchement sortie du conservatoire, elle se nomme Tiphanie Lefrançois et n’a sans doute qu’à se baisser pour ramasser les cœurs !

La mise en scène signée Patrice Mincke est un réel travail d’orfèvre, dans un décors aussi simple que le rêvait Molière… mais résolument moderne, – Hotel California ? – et paré de nombreux éléments symboliques : un défilé de portes-miroirs, un escalier en colimaçon qui conduit à l’étage à une mystérieuse salle de bain en contrejour, un mur de ciment doté de fenêtres aveugles bordé d’une coursive de prison. Pas une feuille d’arbre ou le moindre élément vivant. Le lieu est fait pour enfermer et pour étouffer.

Le règne du faux est abondamment présent dans l’habillement des hallucinants valets Alain et Georgette somptueusement interprétés par Thierry Janssen et Beatrix Ferauge, les couleurs acides, le kitsch absolu de ce bar mobile digne de Las Vegas où se prélasse Horace. De savants effets surprises que l’on vous laisse découvrir figurent les phantasmes du maître des lieux et les différents âges de la jeune damoiselle. Bref, un art de la mise en scène à la fois dépouillé et totalement parlant fait vibrer un texte mi parlé mi scandé en alexandrins d’une superbe légèreté. Et le tout se voit brodé d’une musique de thriller comme au cinéma, absolument palpitante et noire, une création originale de Daphné D’heur, géniale compositrice. De la belle ouvrage ! Et, devinez qui joue … Oronte !

Dominique-HélèneLemaire pour Arts et Lettres

Théâtre Royal du Parc