Un écran pour les séquences filmées, des surtitres (texte en arabe, hébreu et français), une lumière d’ambiance, quelques copeaux de papier noir sur un sol blanc, quatre musiciens vêtus de noir et une chanteuse : l’élégance comme forme de respect. Car le sujet est grave, sérieux et triste.
Amine, chirurgien à Tel Aviv, est toléré. A l’hôpital, certains blessés ne veulent pas qu’un Arabe les touche. En rentrant, il est contrôlé plusieurs fois. Délit de faciès. Mais Amine s’en contente, optimiste et positif, il est amoureux de la femme qu’il s’apprête à retrouver en rentrant chez lui. Elle est sortie : son téléphone vibre sur la table quand il l’appelle. Elle l’oublie régulièrement. Pas l’ombre d’une inquiétude.
A partir de là, Amine connaît une descente aux enfers. Il pensait connaître Sihem mais ce n’est pas le cas. Alors qu’il a réussi à se construire une vie agréable, elle n’a pas pu : « A quoi sert le bonheur quand il n’est pas partagé ? ». Comment concevoir l’idée d’avoir des enfants qui n’auront pas de patrie ? Il doit se rendre à l’évidence, Sihem estimait qu’elle n’avait pas le droit d’être heureuse.
Pour comprendre, Amine retourne en Palestine : « il faut que je sache pourquoi ma femme s’est bourrée d’explosifs ». Jean-François Ravagnan, cinéaste, et Vincent Hennebicq, metteur en scène, se sont rendus sur place pour interviewer les Palestiniens. La réalité se mêle à la fiction du théâtre. Les témoignages parlent d’humiliation, de mériter de vivre, de mériter de rire. Comment pardonner et à qui pardonner ? Seule échappatoire : les rêves.
L’accompagnement musical de ce spectacle poignant, composé par Fabian Fiorini, est impeccable. Fabian Fiorini au piano, Laurent Blondiau à la trompette, Marine Horbaczewski au violoncelle, Célestin Massot à la batterie et Julie Calbete au chant accompagnent le texte d’Atta Nasser comme s’ils ne faisaient qu’un.Difficile de rester impassible, frissons au rendez-vous.
Bien construit, bien conté, bien accompagné, « L’attentat » parle d’une réalité complexe en termes simples. Le spectateur s’identifie à Amine mais il ne peut trancher : avait-il le droit d’être heureux ? Avec les témoignages qui donnent une allure documentaire à la pièce, le spectateur est confronté au quotidien des Palestiniens qui vivent le « cataclysme de l’humiliation ». Difficile de garder espoir. Un très bel hommage, à ne pas manquer.
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