L’INSURRECTION QUI VIENT | « Comité invisible » | Un atelier dirigé par Coline Struyf
Il est peu de textes qui sont de véritables bombes sans retardement. L’Insurrection qui vient, rédigé par un « Comité invisible », est de ceux-là. Un de ceux considérés comme dangereux par les gouvernements au point qu’il a été une des pièces à conviction dans l’affaire de Tarmac et que son éditeur, Eric Hazan, a été entendu par la sous-direction de l’anti-terrorisme de la police judiciaire. Dangereux, parce qu’il se veut une critique globale et radicale de la société occidentale et qu’il revendique un changement radical dans la manière d’aborder la lutte sociale. Une manière rageuse qui irait jusqu’au sabotage, à la lutte armée. Ce livre controversé avec cet appel aux armes passionne la jeune metteuse en scène Coline Struyf. Pourtant nourrie de philosophie pacifiste, elle ne cesse de s’interroger sur la responsabilité individuelle dans notre démocratie actuelle. Cette interrogation porte non seulement sur le fond mais aussi sur la forme non théâtrale du texte qui va nourrir l’atelier qu’elle dirigera pendant un mois avec le Collectif de jeunes acteurs du Théâtre National. C’est le résultat de cet atelier qui sera présenté au public. Avec eux, on découvrira comment il est encore possible d’inventer un théâtre utopique aujourd’hui, de rêver notre société et de mettre aux défis la real politic.
Un atelier dirigé par Coline Struyf assistée de Christelle Alexandre Avec : Olivia Carrère, Lucie Debay, Vincent Hennebicq, Mathilde Lefèvre, Anabel Lopez, David Murgia, Fabrice Murgia, Laura Sepul Une production du Théâtre National de la Communauté française.
Toutes les représentations ont lieu à 20h30 (sauf mercredi 19h30)
Lundi 27 septembre 2010,
par
Caroline Paillard
Ne l’attendez pas : elle ne viendra pas cette fois
L’insurrection qui vient est un texte engagé, de gauche forcément (quoique même l’idée de la gauche s’y trouve mise en question) et surtout écrit par un Comité invisible, c’est à dire des auteurs anonymes parce que telle était leur volonté. Coline Struyf a voulu rendre ces mots au théâtre ou plutôt les faire passer par ses codes ; belle initiative. Mais c’est un peu comme si on voulait faire prendre un visage humain à la divinité bouddhiste. C’est un exemple pour dire qu’il y a des oeuvres qu’il vaudrait mieux laisser exister comme on les a conçus initialement...
Pas si sombre tout de même le tableau. On perçoit clairement chez les jeunes comédiens de la réflexion et le désir d’exprimer à haute voix la possible fin, les vices accumulés ou encore les absurdes réalités d’une société qui (n’) est (plus) la nôtre et dans laquelle on est confortablement régulés. Présente aussi la sensation d’un beau travail collectif et pour un atelier c’est plutôt réussi. Concrètement, sur les planches, ça donne un habile mélange pluridisciplinaire fait d’un peu de chanson, de technique journalistique, de verbiage d’avocat, de vidéo et même de show tv.
Non qu’il faille poster à tout prix le sérieux ou mieux la sévérité d’un thème politique prônant un radicalisme inéluctable, l’humour utilisé à quelques reprises affaiblit plus qu’il ne sert le texte pamphlétaire. Ainsi que le mélo-dramatique ajouté par le biais d’une mélodie crescendo à la lecture poétique d’un passage-clé du texte par deux comédiens. On y aurait plutôt vu du virulent cynique à la John Kennedy Toole.
Bref, un peu mou tout ça. L’insurrection doit bouleverser et si la plupart des individus critiquant à plus ou moins grande échelle le « système » n’y sont pas encore prêts ou ne le seront jamais, ceux qui croient l’être (prêts à l’insurrection) doivent l’être absolument et donc en quelque sorte avec une certaine violence. Pas celle qu’on réprouve, celle des ascètes...
Que ce texte ne soit pas fait pour le théâtre, on le sait d’avance. L’initiative est néanmoins à saluer.
Samuël Bury
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