Véritable zapping de réflexions sur nos temps modernes, cet abécédaire se veut comme un éclatement de la forme théâtrale. Mêlant différents dispositifs, il se décline sous forme de narration, de dialogues percutants ou de monologues déroutants. Le texte de Paul Pourveur joue sans cesse avec la langue et en révèle avec brio toute la musicalité.
A chaque lettre de l’alphabet se dévoile une de ses considérations sur la modernité ainsi qu’un pan de l’histoire de Julie et Julien, de leur fille Ghislaine qui rencontre Ghislain et de leur petite fille Camille...qui croisera la route de Camille. Des couples de prénoms qui rappellent un des thèmes récurrents de la pièce : le rapport homme-femme... et par là, les rapports interhumains en règle générale.
On suit donc l’évolution de ces personnages, à la fois pleins de leur histoire passée et des générations précédentes mais aussi en creux, dans leur définition d’eux-mêmes, comme Ghislaine qui renie jusqu’à son prénom car « tout ce qui définit, [elle] refuse » ou encore Camille, robot imcomplet qui doit poser les urnes de sa mère et de sa grand mère pour pouvoir exister et trouver le chemin de la réalité. Personnages qui nous ramène à la question de la place de l’homme au coeur d’un monde en pleine mutation.
Mais le fil rouge qui traverse la pièce est moins l’histoire de cette famille – 3 tomes, 3 générations – que les différentes entrées qu’ouvrent ces 26 lettres et qui permettent d’échapper à une lecture linéaire du monde.
C’est aussi pourquoi l’intérêt de l’adresse au public en début de troisième tome réside plus dans l’appel au spectateur à être « spectateur actif » que dans le résumé des deux premières générations.
Cette incitation à participer activement à la « lecture » de la pièce entre en résonance avec tout ce que le texte ou la mise en scène aura laissé en creux.
Cette déconstruction de la forme et du sens se garde toutefois de rester absconse grâce notamment à la magnifique mise en scène de Michael Delaunoy qui, sans apporter un mode d’emploi à ce texte étonnant, nous propose quelques lumières et points d’entrée. Mais plus que tout, c’est l’excellent jeu des comédiennes – Anne-Claire, Patrizia Berti, Annick Johnson et Sylvie Landuyt – qui porte cette pièce drôle et angoissante, interrogation fragmentée et réussie de notre monde moderne !
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