King Lear : l’histoire malheureuse du Roi Lear.
2.0 : adaptée au monde contemporain.
Le titre l’indique et il ne ment pas. C’est bien le récit tragique du roi anglais qui est proposé aux spectateurs. Mais, comme le dit Jean-Marie Piemme, étant donné que ces spectateurs se rendent au théâtre avec leur sensibilité d’aujourd’hui, il remanie l’histoire pour répondre à leurs attentes et mobiliser leurs savoirs contemporains. Afin d’assurer le transfert, un nouveau personnage est imaginé : la fille du bouffon du roi, partie faire carrière à l’étranger pour fuir ce père qui lui fait honte. Avec désarroi et honte, elle revient à présent le chercher.
Le pays qu’elle découvre à son arrivée n’est pas celui de son souvenir : la guerre civile fait rage, le roi Lear et Cordélia sont décédés, les armées libératrices occupent le pays. Jean-Marie Piemme reprend l’histoire à sa fin, et c’est grâce à ses souvenirs que la narratrice nous livre peu à peu les événements précédents. A travers ce monologue, le passé et le présent s’entremêlent, éclairant ainsi leurs ressemblances. Des siècles ont pu s’écouler, la nature humaine ne semble pas avoir changée… Les motivations d’hier sont les mêmes que celles d’aujourd’hui, les justifications avancées aussi peu crédibles.
La mise en scène de Raven Ruëll ne joue pas sur ce parallèle présent/passé, elle est résolument contemporaine. Table de mixage, musique électro, micro : la narratrice est en représentation. Elle nous livre ses pensées, crie son désarroi, s’emporte et, pleine de tristesse, en rit.
Berdine Nusselder porte ce texte écrit pour elle avec son accent hollandais marqué. Elle bute sur les mots, elle se reprend. Cette difficulté de la langue donne de l’épaisseur au texte qui se fait matériel. Cela fait également apparaître la fragilité et la force de cette jeune femme en lutte avec les autres mais surtout avec elle-même et ses choix passés.
Pourtant, malgré de nombreuses trouvailles intelligentes et le talent indéniable des artistes, les buts poursuivis ne me semblent pas avoir été atteints. Le rapprochement temporel donne lieu à une critique somme toute superficielle de l’actualité sans engager à une réelle réflexion. Au sein de la belle scénographie de Giovanni Vanhoenacker, les choix de mise en scène m’interpellent quant à leur pertinence vis-à-vis des intentions annoncées et ne me convainquent pas. C’est donc avec une certaine frustration que je suis rentrée de ce spectacle que j’attendais pourtant avec impatience.
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