Reiner Werner Fassbinder a écrit « Le bouc » en 1969, à l’âge de 24 ans, pour le théâtre et le cinéma puisqu’il ne distinguait pas les deux véhicules de diffusion. Il y dénonce les préjugés racistes de l’Allemagne des années 70. Dépouillé, le texte se concentre sur l’accueil réservé à un travailleur étranger, accusé d’être grec et communiste, accueil que l’on pourrait caractériser par l’argumentation triviale des intervenants « nous sommes ici chez nous », « ce sont de mauvais hommes, ces étrangers ». Le mouvement est au cœur de la scénographie, un bloc blanc massif constitue l’unique décor.
Les échanges de ces jeunes qui s’ennuient et jalousent l’intrus débouchent progressivement sur une violence exacerbée. De cette époque rejaillissent la peur du communisme, le racisme affiché et les problèmes socio-économiques. L’analogie avec la crise contemporaine et la montée de l’extrême-droite est évidente, d’autant que ni les choix musicaux (très variés), ni les costumes (actuels) ne reflètent les années 70. Et puis, il y a les petites histoires des uns et des autres. Helga enceinte de Paul. Marie amoureuse de Jorgos, Ingrid persuadée qu’elle peut devenir chanteuse.
Dans cette bourgade, tout est source d’espoir, et surtout celui de partir, de s’évader.
Quelles seront les répercussions de l’arrivée de l’étranger sur le groupe ? Désir, haines, jalousie, violence se succèdent dans cette jeune création, réalisée avec peu de moyens, comme le rappelle Ledicia Garcia qui signe la mise en scène. Elle souhaite parler de ce « qui nous meut et de ce qui nous émeut » et y réussit fort bien même si certains passages restent obscurs et si la lenteur affectée des personnages est parfois pesante. « Partir, partir, même loin loin de la région du cœur…partir, partir, avant qu’on meure » comme le suggère Julien Clerc dans la dernière partie du spectacle, oui, mais peut-être pas avant d’avoir vu « Le Bouc » ?
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