Jours radieux

Ixelles | Théâtre | Théâtre Varia

Dates
Du 10 au 28 octobre 2017
Horaires
Tableau des horaires
Petit Varia
Rue Gray, 154 1050 Ixelles
Contact
http://www.varia.be
reservation@varia.be
+32 2 640 35 50

Moyenne des spectateurs

starstarstarstarstar

Nombre de votes: 1

Jours radieux

Le père est blond, la mère est blonde, la fillette est blonde. Ils tentent de vivre malgré les peurs qui les assaillent et les tenaillent. Ils ont une peur viscérale de tout, surtout des autres, les étrangers. La fillette finit par convaincre ses parents qu’il existe peut-être un remède à leurs problèmes, un remède qui fait des miracles, promet des jours radieux et qu’on ne trouve que dans un endroit mystérieux. Ils décident un soir de s’y rendre…

Jours radieux est en même temps une comédie et un conte. Les personnages sont comme un monstre à trois têtes : leurs peurs, leurs frustrations, leurs rancœurs débouchent sur le rêve décomplexé d’une grande victoire des partis d’extrême droite.

C’est ce processus implacable des peurs qui conduisent à la haine et de la haine qui conduit à la violence que démontre – et démonte – cette nouvelle pièce de Jean-Marie Piemme.

Distribution

AVEC Joëlle Franco, Elisabeth Karlik, Stéphane Surin | SCENOGRAPHIE Johanna Daenen, Johan Daenen | COSTUMES Marie-Hélène Balau | CREATION LUMIERES Renaud Minet | CONCEPTION, MISE EN SCENE Fabrice Schillaci

Laissez nous un avis !

1 Message

  • Jours radieux

    Le 12 octobre 2017 à 23:53 par cacaouette99

    Comme nous a habitué Jean-Marie Piemme, Jours radieux est un texte incisif, juste, plein de finesse et d’humour, et surtout sans ton moralisateur, porté par une mise en scène imaginative et cohérente et trois acteurs impliqués. Dommage que la fin soit un peu vite emballée et manque dès lors d’une certaine nuance. Sinon rien à redire, ce texte fait réfléchir sans nous plomber ou culpabiliser, et puis, qu’est-ce qu’on rit ! Chouette. A voir !

    Répondre à ce message

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
    Se connecter
Votre message

Mardi 17 octobre 2017, par Jean Campion

Rire de nos peurs pour étouffer la haine

Certes, le 7 mai 2017, Marine Le Pen n’est pas devenue présidente de la République française. Mais elle est arrivée au second tour et a obtenu 34% des voix. Dans bon nombre de pays européens, la montée de l’extrême-droite et le rejet des migrants sont palpables. Pour lutter contre ce repli identitaire et cette parole xénophobe de plus en plus libérée, Jean-Marie Piemme a écrit "Jours radieux". Une "espèce de conte" terrifiant et grotesque, qui, en nous faisant rire de nos peurs, devrait nous dissuader de rejoindre le troupeau de la haine.

"Tout va bien". Le Blond, la Blonde et la Blondinette pratiquent la méthode Coué. Ils vivent tranquillement dans un cocon bien propre, mais ont besoin de se répéter cette phrase rassurante, car ils ont peur de tout. Un passant, surtout s’il a l’air inoffensif, est une menace. C’est peut-être un prédateur sexuel. On devrait renforcer la barrière et aussi signaler à la police que la voiture est garée près de l’entrepôt. Elle risque d’être griffée, vandalisée, transformée en voiture bélier. Relayant son père, la Blondinette imagine que des jeunes la volent, pour partir à la mer et écrasent un pauvre piéton... Des ennuis pour "les honnêtes citoyens", conclut le papa. Les rapports familiaux sont parfois tendus. Le Blond pique une sainte colère, en revenant du restaurant recommandé par sa belle-mère. On a refusé de lui servir du porc ! Et sa femme ose excuser sa mère, sous prétexte que cette gargote est "tendance". Lorsque la Blonde est attaquée par un mystérieux virus, il ne la plaint pas, mais redoute la contagion. Il est déçu aussi par sa fille : pour devenir mannequin, elle renonce au porc. Cependant soudés par les mêmes frustrations, les mêmes rancoeurs, les Blonds partagent le même rejet de l’Autre. La mère dénonce les comportements suspects, dans des lettres adressées au commissaire de police. Le père aimerait que ses impôts, payés loyalement, ne nourrissent pas la racaille et les parasites. Et la fille rêve de Charles Martel, vainqueur des Arabes.

Ce chef déterminé et rassurant, elle le rencontre dans un meeting. Pleine d’admiration, elle pousse ses parents à lui faire confiance. L’ombre d’Hitler les rend hésitants. Mais ils se laissent gagner par l’exaltation de leur fille. Ils imaginent son irrésistible ascension politique. Pourquoi pas présidente ? Blondinette couche ses parents et commence à raconter l’histoire de Blanche-neige Démocratie, qui, pour nourrir les sept nains au chômage, faisait la pute. Au grand dam de la sorcière Facho, furieuse de la voir se sacrifier pour des fainéants lubriques. En croquant la pomme, Blanche-neige Démocratie propulse les Blonds dans un univers, où des gens de souche se gavent de bière et de cochonnailles. Rêve ou cauchemar ?

On ressent un net décalage entre cette version déjantée de Blanche-neige et la comédie satirique. La plume acerbe de Jean-Marie Piemme offre à Stéphane Vincent l’occasion d’incarner un raciste ordinaire, avec une justesse désarmante. Obsédé par la blondeur, il ne supporte pas la repousse des racines noires, "sales et suspectes" dans la chevelure de sa femme. Ce fils et petit-fils d’éleveurs de porcs se sent "humilié, blessé à mort", dans le restaurant interdit au cochon. Il faut l’écouter se souvenir des gorets, avec lesquels il jouait ou de la truie, qu’il tuait avec amour. Très en verve, l’auteur mêle allègrement envolées brillantes, dialogues cinglants, coups de griffe et répliques déconcertantes.

Cette première partie, d’une drôlerie irrésistible fait de l’ombre à la seconde, qui repose avant tout sur le défoulement et le comique visuel. Blonde pétulante, Joëlle Franco se déchaîne dans l’oberbayern. A la fois narratrice et Blondinette, Elisabeth Karlik mène le jeu avec détermination. Le décor (un caisson où s’imbriquent deux canapés et deux fauteuils) permet au metteur en scène, Fabrice Schillaci de varier les angles de vue et de dynamiser la succession de scènes brèves. Tournant sur lui-même, le nid douillet devient un manège, qui ramène les Blonds à leurs racines.

La bête est revenue. Dans son film "Chez nous", Lucas Belvaux démystifie l’image respectable qu’essaie de s’acheter le "Bloc patriotique". En misant sur un comique féroce et jubilatoire, "Jours radieux" s’oppose aussi à la dédiabolisation de l’extrême-droite. Espérons que les applaudissements très nourris, mérités par ce spectacle, reflètent également une condamnation des discours de haine.

Jean Campion

Théâtre Varia