4.48 c’est l’heure à laquelle Sarah Kane, l’auteure, a décidé de se donner la mort. C’est donc de suicide, de « dépression psychotique et de ce qui arrive à l’esprit d’une personne quand disparaissent complètement les barrières distinguant la réalité des diverses formes de l’imagination » que parle le texte, selon les mots de Kane elle-même. Mais la mise en scène d’Isabelle Pousseur insiste également sur le désir amoureux et l’impossibilité de la réalisation de celui-ci. Les thèmes de la littérature, de la folie, de l’amour et de la médecine s’entremêlent pour faire apparaître les différentes lectures possibles de ce texte beau et ambigu.
« regarder-moi disparaître
regardez-moi
disparaître
regardez-moi
regardez-moi
regardez. »
Les outils du théâtre sont mis au service de cet appel. Deux longues tables recouvertes d’une nappe blanche se font face et invitent les spectateurs à y prendre place. L’image est celle d’un banquet, les spectateurs forment une assemblée qui sera le témoin en même temps que le juge de la souffrance racontée. Devant, derrière, à côté de nous, les actrices se déplacent et nous confrontent à cette demande. La lumière et la blancheur dans lesquelles baigne la salle insistent sur une des principales richesses de ce texte : ce n’est pas dans les méandres obscurs d’une âme tourmentée que l’on est entraîné. Au contraire, grâce à un face à face avec un désespoir conscient, on saisit toute la puissance tragique dont est chargée l’écriture de Kane. Un spectacle émouvant et éprouvant qui témoigne de la fonction exutoire du théâtre, que ce soit pour son auteur, son interprète ou son récepteur. Un théâtre comme rituel pour représenter les démons qui nous habitent et que la vie sociale nous force à refouler. Un théâtre rare et précieux. Saisissez la chance d’y prendre part.