Jackie (un drame de princesse)
Dans les années 60, Jackie Kennedy était la représentation de la femme idéale, le « rêve » de nos grand-mères : une épouse soutenante, une mère aimante, belle, gracieuse, réservée. Une femme luttant pour correspondre à cet idéal. Une princesse soumise à la domination masculine. Aujourd’hui, on nous dit que les temps ont changé…
Jackie (un drame de princesse) est la nouvelle création théâtrale de Reste Poli Productions mise en scène par Olivier Lenel. Le spectacle s’articule autour du monologue Jackie écrit par Elfriede Jelinek (Prix Nobel de littérature en 2004) et tiré du recueil Drames de Princesses. Jackie, personnage aux facettes multiples représentées par deux comédiennes, Marie du Bled et Marie-Paule Kumps, parlant d’une seule voix et incarnant une femme en lutte qui se revendique autant qu’elle se défend.
Quel héritage avons-nous conservé de cette figure du glamour des années 60, trompée, ridiculisée, digne dans le veuvage, star de la presse… Avec un humour grinçant, le spectacle explore, à travers la figure de Jackie, la violence de l’effort exigé des femmes pour correspondre à l’idéal que notre société actuelle se fait d’elles. Un regard cynique et éclairant sur l’image que cette société impose à la figure féminine : mise en valeur sans être mise en avant.
Distribution
Texte : Elfriede Jelinek / Traduction : Magali Jourdan et Mathilde Sobottke / Avec Marie du Bled et Marie-Paule Kumps / Mise en scène : Olivier Lenel / Assistanat à la mise en scène : Maria José Parga / Dramaturgie : Peggy Thomas / Scénographie : Johanne Daenen / Lumières : Pier Gallen.
Une création de Reste Poli Productions en coproduction avec le Théâtre de la Vie, la Coop asbl et le Centre Culturel de Verviers. Avec le soutien de shelterprod, taxshelter.be, ING et du tax shelter du gouvernement fédéral belge, du Service des Arts de la Scène de la Province de Hainaut/La Fabrique de Théâtre, du Théâtre Poème 2, du Forum Culturel Autrichien et de la Commune de Saint-Josse-ten-Noode. Avec la collaboration de la Chaufferie-Acte 1. Avec l’aide du Théâtre Varia, du Senghor (Centre Culturel d’Etterbeek), du Whalll (Centre Culturel de Woluwé-Saint-Pierre) et de l’Infini Théâtre.
Samedi 10 mars 2018,
par
Palmina Di Meo
Une femme aux multiples facettes
Que cachait l’image lisse, enviée de Madame Kennedy ? Et qui était cette femme sous sa réserve apparente ? C’est le mystère « Jackie » que tente de percer Olivier Lenel qui depuis quatre ans, travaille sur le texte d’Elfriede Jelinek, prix Nobel de littérature 2004.
« Drames de princesses » est un recueil qui déconstruit les archétypes féminins marquant les imaginaires. C’est le modèle d’épouse soumise, le rôle de pilier de la famille tel qu’il était enseigné aux femmes dans les années 50 qui est ici épluché.
« Jackie and Jack », ce couple que la presse a encensé ( construit en grande partie sur la version qu’en a livrée celle qui était née Jacqueline Lee Bouvier), a alimenté les commérages et continue à servir de référence à une certaine idée de la complémentarité conjugal, encore bien longtemps après la mort des deux protagonistes de la légende.
Mais sous l’effigie surexploitée par la presse, quel était le vrai visage de celle que le président avait coutume de présenter sous la boutade « Je suis celui qui accompagne Jackie Kennedy » ?
C’est de la femme enfermée dans un paradigme auto-créé qu’il est ici question.
Que reste-t- il des ambitions personnelles de Jacqueline Bouvier, celle qui ne voulait pas être appelée « First Lady » mais « Madame Kennedy » ?
Personnalité ambiguë, « Jackie » reste aujourd’hui une énigme. Les confidences qu’elle a faites à l’historien Arthur Schlesinger après l’assassinat du président à Dallas, rendues publiques 50 ans après les faits, laissent entrevoir une fragilité maladive et une intelligence analytique et critique très acérée sous le sourire de façade.
Olivier Lenel dédouble le personnage de Jackie autour du pivot de l’attentat de Dallas.
Car les images de Jackie en tailleur rose, grimpant sur le capot de la voiture, sont ancrées dans les mémoires. Pouvoir des images, pouvoir de l’habit, Jackie Kennedy a su mieux que quiconque se protéger derrière un masque. Sous les éloges du « style » Jackie, elle s’est enfermée dans une armure contre la réalité.
Marie du Bled et Marie-Paule Kumps se partage les fragments de vie de Jackie à des étapes différentes de son évolution de femme, laissant échapper un fiel que Jacqueline Kennedy aura toujours si bien retenu…
De la naïveté de la jeune fille pétrie de bonne volonté à l’amertume de la femme blasée, le corps de Jackie est ici traversé par les commentaires, les critiques, les railleries et toutes les déformations dont la presse s’est nourrie durant des décennies.
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